[Avertissement : cet article est basé sur un service presse. Ça me change des lectures debout à la Fnoc.]
Donc, après cette salve d’avertissements, reprenons. L’article du jour s’intéresse à Double Je, le dernier shôjo paru chez Akata, qui a fait bonne impression un peu partout si l’on se fie aux critiques lues ici et là. Ce titre de Reiko Momochi est de la même auteure que Daisy, qui était sorti l’année dernière (que je n’ai pas lu, il n’y aura donc pas de comparaison possible). Notons simplement que même si Double Je nous parvient après, c’est en fait une oeuvre antérieure, terminée en 5 volumes. Le trait pourrait donc être moins maîtrisé, la narration plus maladroite. Je n’ai pas vérifié, mais je vous préviens quand même, par prudence.
Voilà le résumé fourni par l’éditeur (comme le manga, ahah) :
Voilà qui nous met dans l’ambiance. Si vous cherchez un nouveau shôjo lycéen avec des amourettes et des relations triangulaires, passez votre chemin. Les thématiques développées ici seront toutes autres, et bien plus matures, ce qui devraient être un bon point. Ce premier tome n’est fait que de drames, de larmes et de cris, rarement entrecoupés de fugaces instants de bonheur. Histoire de bien contraster, de bien monter comment tout peut basculer, sans prévenir. Life is a bitch. La vie est cruelle en français (si, si, c’est la traduction exacte).
Reiko Momochi n’y va pas avec le dos de la cuillère avec ses pauvres héroïnes (enfin, « surtout l’une d’entre elles ! ») et ce, dès les premières pages. En effet, suite à un drame dont je tairai la teneur exacte, histoire de garder le suspens, la famille des jumelles se trouve bouleversée, entre le deuil, la culpabilité et la rancœur (pas forcément en même temps, ni de la part des mêmes personnages).
Puis on se retrouve quatre ans plus tard, avec Nobora et Kotori qui s’amusent à échanger leur rôle à l’insu de leur entourage (seul le petit ami de Nobora sait les différencier)(une histoire de taille de poitrine si j’ai bien compris). Eh oui, ce sont de vraies jumelles, elles se ressemblent comme deux gouttes d’eau (sauf les boobs, donc). D’où les difficultés que j’ai eu à les différencier pages après pages, à savoir qui on voyait quand. Surtout que les personnages secondaires les confondent aussi, donc c’est pas évident. Alors cette histoire d’échange en rajoute une couche dans la confusion (et ce n’était pas nécessaire, même si peut-être voulue par la mangaka ?). On pourra aussi se demander pourquoi la famille n’arrive pas à les différencier en les ayant vu grandir depuis toute petiotes, mais le mec rencontré à l’école, si. Bref. Cet échange s’explique par la situation compliquée de leur famille et c’est aussi un moyen d’aboutir sur le deuxième drame du manga. Qui survient évidemment quand tout allait s’arranger, histoire de bien enfoncer le clou dans le mélodrame.
Au vu du paragraphe précédent, on peut deviner sans peine de quoi il s’agit précisément. Pour ceux qui auraient des doutes, ou ne veulent pas la confirmation, je spoile méchamment dans la phrase suivante (voire dans l’article entier, puisque le résumé n’est pas trop subtil à ce niveau). Il s’agit donc (ohalala quelle surprise !) de la mort de l’une des sœurs qui arrive évidemment (là encore) alors qu’elle avaient échangé leur place. Personne ne sait donc que ce n’est pas l’une qui est morte mais l’autre, sauf la survivante (logique, hein, oh). Elle va donc, une nouvelle fois, se sentir coupable de la mort d’une proche.
La sœur restante est donc anéantie, perdue. Est-ce que cela vaut la peine de vivre sans la sœur avec qui elle a tout partagé (sauf le petit ami, faut pas exagérer, bande de coquinous) ? A cette perte terrible s’ajoutent les circonstances, encore floues, qui nécessitent les investigations de la police. Mais l’héroïne est sûre d’une chose : elle est responsable, c’est elle qui aurait dû mourir (culpabilité du survivant, aggravée par leur petit jeu)(d’où le jeu de mot du titre).
Et puis, étant toujours dans le rôle de sa sœur en vérité décédée, elle s’interroge : doit-elle révéler la vérité ou bien la cacher ? Peut-elle vivre la vie de l’autre ? Elle n’hésite, à vrai dire, pas longtemps. Sauf que l’enquête de la police met en danger son usurpation d’identité et que le petit ami sait faire la différence entre les deux. Et il va donc la reconnaître. C’est dramatique.
L’auteure ne fait clairement pas dans la subtilité puisque les personnages eux-même crient « méfie-toi de [tel danger] ! » avant que celui-ci ne survienne quelques case plus loin. Reiko Momoshi fait donc avancer son récit avec de très gros sabots, prenant à peine le temps de mettre en scène ses persos avant de les faire souffrir avec cruauté. C’est simple, en 80 pages, Reiko Momoshi a eu le temps de tuer la moitié de la famille. Il lui reste pourtant quatre tomes et elle annonce déjà un autre drame à venir. Je crains et suspecte la surenchère. C’est donc difficile de s’attacher à des inconnus qui sont plongés dans la douleur à peine leur présentation terminée, d’autant que cela ne semble pas vouloir s’arrêter. Il n’y a pas une seule page à perdre pour le pathos. Tant de traumas, et pas une seule séance de psychanalyse à l’horizon…
Côté dessin, c’est dans les habitudes de ce que proposent les shôjos dans leur vaste majorité : personnages aux grands yeux (voir les couv’), adultes qui paraissent quasiment aussi jeunes que leurs enfants (c’est troublant), usage de trames, etc. Cela ne révolutionne pas les codes, mais c’est bien réalisé, avec une mise en scène prenante et qui sait user de suspens quand il le faut (même si on voit arriver les drames à des kilomètres).
En bref, je suis assez curieux de voir où l’auteure va emmener l’héroïne, et surtout ce qu’elle va lui faire subir (sadisme). Le côté policier qui se profile en fin de tome peut être intéressant s’il est bien traité, tout comme la critique du comportement des médias et le voyeurisme des gens durant une affaire de ce type. Mais j’attends surtout un peu plus de finesse dans l’écriture. A suivre, donc.