Le rôle des femmes dans Hunter x Hunter

Quand on parle de codes du manga, c’est en réalité à un genre bien précis qu’on fait allusion : le nekketsu. Cette catégorie, vous la connaissez tous car elle a connu un immense succès au Japon comme en occident avec Dragon Ball et elle a continué à nous servir des séries populaires telles que One Piece et Naruto. Mais aujourd’hui, c’est un tout autre manga qui nous intéresse.

Débutée en 1998 dans les pages de la revue Shonen Jump, Hunter x Hunter est une œuvre de Yoshihiro Togashi, un auteur alors reconnu à qui on doit l’immense succès qu’est Yuyu Hakusho ainsi qu’un titre plus expérimental nommé Level E. Hunter x Hunter débute comme le plus parfait des nekketsu, suivant à la lettre les codes instaurés par ses aînés. Et pourtant, plus on avance dans le manga et plus on se rend compte que l’auteur brise l’ossature de règles que l’on croyait établies. C’est pourquoi, à travers une série d’articles, nous allons nous pencher sur la méthode employée par Yoshihiro Togashi permettant cette déstructuration du nekketsu. De cette manière, on en apprendra plus sur le genre, le manga en question et même l’auteur. Dans cette chronique, c’est la question de la place de la femme qui sera abordée.

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S’agissant d’une analyse, certains points abordés dans cet article sont susceptibles de vous gâcher la lecture du manga. Elle a pour objectif de vous apporter un nouveau point de vue sur celui-ci et non de vous révéler des éléments clés. Il est donc de préférable de revenir lire l’article quand vous serez à jour dans la version française du manga ou de l’anime de 2011.

Les femmes dans le nekketsu

Avant d’aborder le cas de Hunter x Hunter, il est nécessaire de présenter rapidement ce qui se fait ailleurs. Dessiné essentiellement par des hommes (du moins en 1998, lorsque débute le manga), le nekketsu est généralement publié dans des revues shonen, c’est à dire qui visent principalement des jeunes garçons. Pour plaire à ce public, le genre véhicule des messages tels que le pouvoir de l’amitié ou la capacité à se relever de ses échecs. Des poncifs se créent, qu’importe qu’ils soient réalistes ou non tant qu’ils correspondent à ce que les lecteurs attendent. C’est ainsi que naît le stéréotype du personnage féminin, correspondant bien plus à un fantasme d’adolescent qu’à une représentation authentique de la femme.

Parmi les clichés, plusieurs se dégagent. Pour commencer, il y a celui du personnage féminin qui doit rester pur. La jeune fille a pour mission d’attendre le personnage principal, de rester vierge et de n’aimer que lui. Cette innocence cachant le mythe de la femme-objet, qui appartient à un seul et même homme, se retrouve dans bon nombre de titres. Si bien que le public peut mal réagir quand un auteur décide de bousculer cette habitude. Dans Naruto, Sakura est un personnage qui inspire la haine à de nombreux lecteurs (bruyants sur les réseaux sociaux) car elle rejette l’amour du protagoniste, quand bien même elle a des sentiments et des convictions qui restent les mêmes depuis le début du manga. Ébranler le lecteur équivaut à risquer de déplaire, et si Naruto a acquis une certaine notoriété grâce ses nombreuses qualités, d’autres séries peuvent aller droit le mur et se faire annuler rapidement.

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Mais les femmes ne sont pas aimées que pour leur innocence, la plastique et le style vestimentaire (ou du moins ce qu’il en reste) jouant un rôle important dans l’appréciation des lecteurs. Une poitrine généreuse, une petite culotte qui se dévoile, les auteurs de manga n’hésitent pas à faire appel aux plus bas instincts de leur public pour le tenir en haleine. C’est qu’on nomme le fan service. De plus, on ne compte pas le nombre de femmes qui jouent un rôle de faire-valoir, voire même potiche, et cela particulièrement dans les nekketsu sportifs à l’intérieur desquels elles font plus figure de décoration qu’autre chose. Au final l’image de la femme n’est pas très valorisante puisque sa personnalité et sa façon d’agir sont calquées sur des visions masculines.

Si ces poncifs se retrouvent de Dragon Ball à Seven Deadly Sins, il est important de signaler que de nombreux nekketsu s’en détournent ou les ignorent. Parmi eux, un contourne habilement les éternels stéréotypes : Hunter x Hunter.

Le genre masculin et la tromperie androgyne

Avant même de parler des femmes dans Hunter x Hunter, il est important d’aborder le sujet des personnages masculins. Effectivement, ils sont nombreux dans le manga et ils ont tant de charisme et de poids sur le déroulement de l’histoire qu’ils feraient presque oublier les quelques femmes de la série. Il faut dire qu’une œuvre a marqué Yoshihiro Togashi : JoJo’s Bizarre Adventure ; et à l’instar de cette dernière, Hunter x Hunter présente un monde d’hommes. S’agit-il pour autant d’une représentation de la masculinité selon le mythe de la virilité exacerbée ? Pas vraiment.

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En découvrant pour la première fois le titre de Yoshihiro Togashi, certaines personnes ont pris Kurapika pour un homme, d’autres ont pensé qu’il s’agissait d’une femme et les lecteurs les plus suspicieux se sont questionnés sur le sexe du personnage. Plusieurs quiproquos, débats et erreurs de traduction plus tard, il s’est avéré que Kurapika est bel et bien un homme et que c’est son androgynie qui a trompé les lecteurs. Le cas de ce personnage est passionnant en lui-même, mais il est d’autant plus intéressant de le mettre dans le contexte du manga car il ne s’agit pas d’un exemple isolé. En effet, tout au long de la lecture de Hunter x Hunter, le lecteur se questionne sur le genre de nombreux personnages. Homme ou femme, la frontière est mince et lorsque l’on doute, il est fort probable d’avoir affaire à un garçon.

Une vision rétrograde de la femme

Qui sont donc les vraies femmes dans Hunter x Hunter ? Passée la tante Mito (sur laquelle nous reviendrons plus en détails), le premier personnage féminin important que l’on croise dans le manga est Menchi. Il s’agit d’une examinatrice sévère que rencontrent Gon et ses compagnons lors de l’examen de hunter. Elle est spécialisée dans la nourriture et, outre son palais difficile à satisfaire, excelle dans la chasse et la cuisine. Plus tard, les protagonistes se trouvent face à la Brigade Fantôme. Treize membres composent la troupe de malfrats, dont trois femmes. Parmi elles, on trouve Machi et Shizuku. Le Nen de la première lui permet de créer des fils avec lesquels elle peut recoudre des blessures. La seconde, quant à elle, a la capacité de matérialiser un aspirateur afin d’absorber toute matière inerte sans limite de place. Une autre femme, beaucoup plus importante dans le développement de Gon et Kirua, que l’on retrouve dans la série n’est autre que Biscuit. Sous ses allures de jeune fille, l’instructrice des héros est en réalité âgée de 57 ans. Sa faculté lui permet de faire apparaître une esthéticienne qui l’aide à conserver ses traits juvéniles.

Faire le tour des pouvoirs des personnages féminins est assez édifiant tant il reflète une certaine vision du genre. Dans une œuvre relativement violente, à l’intérieur de laquelle se déroulent de nombreux combats mêlant la force à l’intellect, le peu de femmes représentées tire ses pouvoirs des soins de beauté ou des tâches ménagères. Sexiste ? Traditionaliste ? Selon ses opinions personnelles, il est facile d’enfermer le manga de Yoshihiro Togashi dans des cases à partir de ce constat. Néanmoins réfléchir davantage au sujet au lieu de juger apparait comme bien plus pertinent.

C’est le moment de se poser une série de questions dont la réponse va orienter le reste de l’article. Dans notre vie, qui passe l’aspirateur ? Qui coud nos affaires ? Qui nous prépare à manger ? Qui, bien que vieillissant, essaie de rester jeune ? Avant de répondre à ces questions, rappelons que la revue Shonen Jump dans laquelle est publié Hunter x Hunter se destine principalement à des collégiens, voire même des lycéens. Alors, qui s’occupe d’eux de la sorte ? La réponse est simple : leur mère.

Pour approfondir cette idée de figure maternelle à travers les capacités des personnages, nous allons nous intéresser à Pakunoda, la troisième femme de la Brigade Fantôme. En effet, elle est dotée de la faculté de lire dans la mémoire et d’y déceler les mensonges. Cette capacité, ce sont justement les juvéniles Gon et Kirua qui la redoutent car pour eux mentir est essentiel dans le but d’échapper à la Brigade Fantôme et de protéger l’identité de Kurapika. Au-delà de son rôle déterminant dans l’intrigue, le pouvoir de la femme rappelle une maman : il est impossible de lui cacher la vérité par des mensonges, une peur que bien des enfants connaissent. Le symbole est d’autant plus criant du fait que ses cibles soient des pré-adolescents. Le cas de Pakunoda est donc intéressant puisqu’il est non seulement dénué de toute considération sexiste, mais en plus il conforte la thèse que les femmes de Hunter x Hunter ont une fonction proche de celle de la mère.

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Déformée après avoir écouté la Sonate du Diable, Senritsu est un personnage féminin qui appuie le travail de Yoshihiro Togashi sur Pakunoda. Elle est rondelette, dégarnie et ses deux dents de devant ressortent. On est donc loin des canons de beauté. Pour autant elle n’est jamais tournée en ridicule ou même moquée, non, ce n’est pas ce qui compte. Tout comme la membre de la Brigade Fantôme, elle peut déceler les mensonges en écoutant les battements de cœur grâce à son audition sur-développée. La femme entretient une relation amicale avec Kurapika, du fait qu’ils travaillent ensemble. Elle se prend d’affection pour lui et arrive sans mal à sonder son cœur toujours par le biais de sa capacité d’écoute. Comme une mère le ferait, Senritsu s’inquiète pour le jeune homme en quête de vengeance et parvient à le calmer, à apaiser son cœur. Pour ce faire, elle utilise un nen qui ne sert pas au combat, un pouvoir une nouvelle fois très maternel : elle projette son aura dans sa flûte, créant ainsi une mélodie remettant d’aplomb ceux qui l’écoutent. La mélomane est de ce fait un exemple de plus du rôle que peut avoir une mère de substitution tel que le conçoit Yoshihiro Togashi dans son manga.

Des histoires d’amour peu banales

L’amour, et le sexe plus encore, n’ont pas grand chose à faire dans un nekketsu ne présentant pas de réels protagonistes féminins, les histoires d’amour naissant au fil du scénario ou autres promesses d’enfances étant impossibles. Et pourtant Yoshihiro Togashi introduit ces concepts dans son manga de manière à déconcerter aussi bien les lecteurs que les personnages.

Pendant tout ce temps, je n’ai pensé qu’à moi. Pendant que j’étudiais, que je sortais le soir, que je déménageais… Pendant que je me branlais, que je sautais des filles, que je glandais sur le net… Lui, il se battait pour les autres !!

Ce discours surprenant, on le doit à Léolio devant l’assemblée des hunters chargés de l’élire président. Si l’on peut s’interroger sur la pertinence de faire de telles révélations à ce moment donné, intéressons-nous plutôt à l’introduction du sexe dans le récit.

En avouant se masturber et coucher avec des filles, Léolio brise la barrière qu’il existe entre le monde d’un nekketsu et le nôtre. Si les personnages d’une fiction sont humains et obéissent aux mêmes désirs que nous, certains thèmes sont fantasmés, voire même passés sous silence, en fonction des intentions de l’auteur et de la cible éditoriale. C’est généralement le cas du sexe dans le nekketsu : une ellipse narrative et les personnages se retrouvent avec un enfant, un amour qui se conclut à l’abri du regard du lecteur, une relation qui débute au moment même où le manga se termine… Hunter x Hunter présente les choses différemment en rendant le sexe comme un besoin normal. Pas besoin d’artifice ou de fantasme, il existe.

L’élément essentiel dans le cadre de l’article n’est pas le sexe en lui-même mais plutôt ce qu’il nous dit des femmes. Si son existence nous indique que les figures féminines ne sont pas forcément des mères de substitution, la manière dont il est dévoilé aux lecteurs nous met sur une autre piste. La représentation du sexe passe par sa non-représentation. On n’est même pas dans le domaine de l’implicite, juste du récit déjà révolu. De cette manière, si le discours de Léolio est primordial du fait de son statut de protagoniste, les filles avec lesquelles il a couché n’ont aucune espèce d’importance. Bien qu’elle existe dans la diégèse de Hunter x Hunter, la représentation sexuelle de la femme n’a pas d’intérêt aux yeux du mangaka.

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Pour trouver ce qui se cache derrière le rapport amoureux entre un homme et femme, il faut aller voir un autre personnage. Et qui de mieux que Gon, le protagoniste, pour ça ? Durant l’arc des Kimera Ants, Pâmu lui demande de sortir avec elle et le jeune garçon obtempère. Il s’agit d’une relation platonique comme on peut en voir dans d’autres nekketsu, à un détail près : du haut de ses 22 ans, Pâmu est bien plus âgée que le pré-adolescent. Même si la jeune femme force la décision, Gon n’entame pas cette relation contre sa volonté. Plus étonnant encore, il avoue à Kirua qu’il avait l’habitude de sortir avec des femmes adultes lorsqu’il vivait encore sur son île natale. Pâmu étant instable et jalouse, il est délicat de voir en quoi elle pourrait se rapprocher d’une figure maternelle pour Gon. Néanmoins sa différence d’âge et la révélation que fait le héros sur ses conquêtes laissent à penser que ce dernier ne cherche pas l’amour mais bel et bien un substitut maternel.

Ce constat est d’autant plus renforcé que, plus tard dans l’histoire, on retrouve le personnage de Pâmu dans une situation contrastant très fortement avec l’innocence de Gon : pour le bien de sa mission, la jeune femme est obligée de coucher avec un antagoniste. Cette scène révèle que l’amour qu’elle porte au héros et le sexe sont deux choses bien distinctes. Ainsi on peut en déduire que la frontière entre un lien affectif purement sentimental et la relation à une mère est mince dans le manga de Yoshihiro Togashi.

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Un substitut maternel

C’est alors qu’on se pose une question : d’où vient ce besoin pour Gon de trouver une maman ? La réponse est évidente : en bon héros de nekketsu, il est orphelin. Et pourtant, il faut voir plus loin que ce simple fait.

Alors même qu’il a la possibilité d’obtenir des informations sur sa mère, le protagoniste fait le choix de ne pas y prêter attention. En d’autres termes, il se contrefiche royalement de son sort. C’est un état d’esprit relativement étonnant car depuis le début du manga, il marche sciemment sur les traces de son père. En voulant le retrouver, il s’aventure sur une route périlleuse et semée d’embûches. C’est ainsi qu’on se demande pour quelles raisons Gon est prêt à faire des efforts incommensurables pour revoir son père quand bien même il n’éprouve pas l’envie d’obtenir le moindre renseignement sur sa génitrice. En réalité, si le petit héros ne s’intéresse pas à sa mère, c’est parce qu’il a trouvé un substitut maternelle en la présence de sa tante Mito. Cette jeune femme, qui est la cousine de son père, élève Gon depuis qu’il est bébé. Elle l’éduque et lui confère l’amour d’une maman. Le garçon lui rend bien, il la porte si fort dans son cœur qu’il refuse d’admettre l’existence de sa mère biologique. Pour Gon, c’est donc son statut d’orphelin et son rapport compliqué à sa génitrice qui le pousse à trouver un substitut en la présence de sa tante Mito.

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Cependant, il n’est pas nécessaire d’être orphelin pour avoir des rapports compliqués avec ses parents. Cela, c’est Kirua qui nous le prouve en s’enfuyant et rejetant sa famille, et particulièrement sa mère qu’il a frappée au visage lors de sa fugue.

Un cas bien plus développé est important à analyser dans Hunter x Hunter : celui du roi. En naissant, le personnage blesse mortellement sa mère. Bien que certains de ses alliés puissent la sauver, Meruem refuse qu’ils le fassent. Il préfère donner l’ordre de lui amener de la nourriture et laisse ainsi mourir la reine. Pour lui, et par extension pour sa garde, sa mère occupe la seule fonction de génitrice. Dès lors qu’il a été mis au monde, le rôle de la reine s’est arrêté, qu’importe son sort à présent. Par conséquence on en déduit que le roi n’a pas besoin d’une présence parentale pour se développer et accomplir la tâche pour laquelle il est venu au monde. Et comme pour mieux symboliser ce détachement maternel, c’est Meruem lui-même qui tue sa mère en venant au monde.

Malgré tout, le personnage se défait progressivement de son objectif de régner, à cause d’une femme ; une humaine nommée Komugi. Bien qu’étant aveugle, elle excelle dans le gungi (un jeu se rapprochant des échecs) à tel point qu’elle met sa vie en jeu à chaque partie. Meruem a tout pour lui, il est le plus fort et le plus intelligent. Cependant, il n’arrive pas à battre Komugi au gungi malgré ses nombreuses tentatives. Cet échec constant éloigne le roi de son but et fait de l’humaine un être spécial à ses yeux : la seule personne à être capable de lui tenir tête. Ce lien unique, le personnage aura envie de s’en défaire. Pour cela, il menacera la femme, la blessera même, mais ne pourra jamais se décider à la tuer, quand bien même il est responsable du décès de sa propre mère.

Affirmer que Komugi est un substitut maternel pour le roi uniquement car elle est la seule personne qu’il ne parvient pas à vaincre serait faire un raccourci. Il faut donc compter sur Yoshihiro Togashi et son développement du lien. L’apogée de la relation se situe à la mort de Meruem. Celui-ci indique à la femme que le poison va l’emporter et cette dernière fait le choix de jouer au gungi avec lui jusqu’à ce que mort s’en suive, quand bien même cela signifie qu’elle sera contaminée à son tour par les toxines. De cette manière, ils passent leurs derniers instants ensemble et s’accompagnent dans la mort. Chose essentielle pour cette analyse, c’est le roi qui part en premier. Après une succession de cases noires, remplies uniquement par l’ultime dialogue entre les deux personnages, on découvre une double page dans laquelle Komugi est agenouillée, tenant le cadavre de Meruem dans ses bras. Cette figure est connue, il s’agit de celle de La Pietà : représentant la Vierge Marie pleurant la mort du Christ. En utilisant cette iconographie, le mangaka place la joueuse de gungi dans le rôle de la Vierge Marie et donc, par extension, de la mère portant son enfant. Ainsi, on a la confirmation que Komugi est une figure maternelle pour le roi. Lui qui a tué sa mère biologique, trouve le repos dans les bras d’une femme substituant à cette fonction.

En définitive, la femme dans Hunter x Hunter est calquée sur l’image de la mère. Pour autant, on ne parle pas au sens biologique du terme, car Yoshihiro Togashi rejette à plusieurs exemples sa fonction de génitrice. La mère est celle qui s’occupe de ses enfants, qui les éduque, qui les couve, qui les gronde, qui les pleure… Selon cette définition, une femme peut endosser ce rôle quand bien même elle n’a pas mis la progéniture au monde. De la même manière, un enfant peut voir une figure maternelle sans pour autant que la personne ne l’ait engendré. Ce besoin de substitut est provoqué par un rapport compliqué à la mère ou une perte de repère, Gon se retrouvant orphelin en est le meilleur exemple.

Si Hunter x Hunter se distingue des autres nekketsu, c’est en grande partie grâce à la vision de son auteur. Une certaine idée de la femme se dégageant, on en vient à se demander à quel point le vécu de Yoshihiro Togashi influence son œuvre. Sans même que nous ayons à dévoiler sa vie privée, le fait qu’elle rejaillisse à ce point dans son univers créatif, que ce soit consciemment ou non, est fascinant et le rend d’autant plus intéressant à analyser.

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32 réflexions sur “Le rôle des femmes dans Hunter x Hunter

  1. Une analyse très intéressante, chapeau! Ça apporte une nouvelle lumière sur certains aspects de la série qui ne m’avaient pas nécessairement frappés.

  2. Très bon article, je ne m’étais pas rendu compte de tout cela au cours de ma lecture!
    Bien que le sujet soit complet, il y a encore tellement de choses à analyser dans cette oeuvre c’est ce qui me fascine le plus dans HxH, et c’est également ce qui à su le démarquer des autres nekketsu, sa densité.

  3. Article passionnant, bravo!!

    En le lisant, je me suis posé la question de la violence et de son utilisation par les personnages féminins. Tu ne l’évoques pas, et ça me paraît un élément intéressant à questionner.

    J’ai relu HxH il y a genre 1 an, et je vais tenter de réfléchir selon mes souvenirs. Mais il me semble que la violence est assez rare chez les persos féminins, mais pas inexistante. Au delà de leur rôle (ce que tu montre de manière brillante!), elles ne l’utilisent presque pas.

    Dans mes souvenirs, Menchi met des grosses claques, Shizuku éclate une ou deux tronches avec son aspiro et Biscuit donne aussi quelques coups, tout comme Pamu. Là, je dirais que pour Menchi, c’est plus une « claque de punition », et Biscuit en lien avec l’apprentissage, et donc respecte l’idée de violence maternelle en quelque sorte.

    Par contre, moins pour Shizuku et Pâmu, qui restent malgré tout des combattante dans une certaine mesure (même si leur nen est très « féminin » dans les codes). Ce qui contraste leur représentation de genre, non?

    Du coup, t’en penses quoi? T’y as réfléchi? J’ai oublié d’autres cas?

    • Pour Pamu perso j’adore son cote instable , c’est une femme forte et courageuse , elle est drole et elle est sublime avec ses metamorphoses
      Il y a aussi Komugi que j’adore : sa relation avec le roi , son déterminisme et le pouvoir de sa concentration.

    • J’y ai réfléchi un peu et en creusant bien j’ai du mal à y voir un intérêt car je trouve qu’elles ne se battent pas plus ou moins que les personnages secondaires masculins. Plus que les hommes, elles sont en retrait par rapport aux héros. Il faudrait faire du cas par cas, enfin je pense.

      Sinon en autre exemples, il y a celui de la reine pour qui les autres fourmis se battent. Ou, à l’inverse, l’amie de Kirua qui tabasse Gon quand il se rend à la demeure des Zoldik.

  4. C’est vraiment une très belle analyse et clairement, il y a un certain nombre de points auxquels je n’avais pas prêté attention.

    J’ai une question, ceci dit. Il y a, dans HxH, un amour un peu ambigu entre certains personnages liés par le sang. Je pense à Kirua et son frère, Irumi. Même si Irumi a une envie profonde de se servir de Kirua et d’arriver à le manipuler, on sent la possessivité extrême, voire un amour un peu tordu. En donne l’exemple le passage où Irumi est prêt à accepter de mourir pour rester éternellement dans le coeur de son frère. Il y a un certain côté incestueux.

    Tu dis que chez Togashi, la frontière entre un lien affectif sentimental et celui que l’on a avec une mère est mince. Au final, si la relation entre Meruemu et Komugi relève elle aussi d’un amour maternel, moi je l’avais plutôt vue comme celle d’un couple, unis dans la mort (Roméo et Juliette, en somme). Tu penses que l’on pourrait dire dans ce cas que Togashi joue sur cette ambiguité incestueuse à escient? (ou alors je ressens ou raisonne bizarrement). Avec le recul, j’ai l’impression qu’il cherche à créer justement un amour particulier, peut-être plus fort qu’une relation amoureuse classique.

    (pardon pour la dérive)

    • Merci beaucoup déjà.

      Alors je suis vraiment content que tu parles de Kirua et Irumi car c’est un thème que j’ai supprimé de mon plan (pas plus qu’hier en plus) histoire de me concentrer sur les femmes mais que je trouve intéressant. Depuis le début de l’œuvre, j’ai toujours eu la sensation qu’Irumi dégage une aura maternelle, qu’il protège et couve Kirua comme sa mère aurait dû le faire. Outre sa relation, cette idée est peut-être également liée à son physique androgyne.
      Du coup, je voulais inclure cette pensée dans mon dernier point, pour faire un chapitre entre Gon et le roi et non une simple transition.

      Oui, on est d’accord. C’est une relation ambigüe, un couple sans en être un. Je trouve ça d’autant plus fort dans l’émotion que ça provoque. Les frissons.
      Et je n’ai aucun doute sur le fait que Togashi l’ait exprès, il est habitué à ce genre de relations…

      • Oui, c’est pas faux. C’est amusant de remarquer un certain bouleversement dans les « fonctions » familiales, dans ce manga. Des femmes qui deviennent des mères alors qu’elles ne le sont pas (biologiquement parlant), des frères amoureux, ou des pères qui n’adoptent pas la posture paternelle que l’on attend d’eux.

        Merci pour ta réponse!

  5. Merci pour cette analyse, tu l’as placé sous l’angle de la mère, je n’y avais pas forcément réfléchi concernant chaque personnage féminin. Il est vrai que les femmes sont très intelligentes dans hxh et ont du caractère.

    Au niveau des character-designs, on peut aussi noter que les personnages ayant de forte poitrine ont une particularité physique qui n’en fait du coup pas une bombe sexuelle : le nez de Pakunoda, les yeux et le corps de serpent de Geru, le corps de Kimera Ants de Zazan ou encore la forme « musclée » de Biscuit. Les autres ayant des corps de femme assez normalement proportionnés. Il y a un passage de sous-vêtement lors de l’affrontement Shizuku contre Paiku (l’araignée), et même s’il est vrai que c’est probablement un peu de fan-service, déjà c’est très rare et c’est un peu justifié dans le combat. Ils sont arrachés lorsqu’elle s’enfuit d’une cage de fil d’araignée.

    Je rajoute un passage spoilers concernant l’arc actuellement en cours.
    Dans les 14 princes de Kakin, il y a plusieurs femmes (avec la reine Oito qui est très présente également). Dans leur première représentation, elles étaient présentées comme des princesses, entre Kachou qui aime les bijoux, Camilla très jolie, Fuugetsu faisant de l’art floral ou encore Momoze faisant de la couture. Très rapidement, on apprend que Camilla en tant que fille ainée possède une armée et que tout comme les autres elle est déterminée à gagner la bataille pour devenir roi/reine, Kachou est très active sur les réseaux sociaux et est la première à vouloir faire une alliance avec Fuugetsu pour tuer tous les autres.

    • Je trouve HxH sexiste comme beaucoup de shonens d’ailleurs. Shizuku avec l’aspirateur qui nettoie les cadavres, une loli, une femme aux gros seins avec un « mauvais » caractère, toutes ces notions maternelles. Les femmes sont sans cesse renvoyées à leur « capacité sentimentale » comme l’aspect maternelle, leur physique, ou des capacités et accessoires qui ne les mettent pas en valeur comme le « pouvoir » de faire de quelqu’un son esclave en l’embrassant, bonjour le fantasme malsain d’ailleurs .. Déjà Gon ne veut pas connaitre sa mère dont il ne sait rien et veut à tout prix rattraper son père qui le rejète ouvertement, entre les décisions avec des motifs insuffisants et la place des femmes qu’on croise : c’est franchement sexiste, faire des femmes qui tuent et qui ont du caractère ne suffit pas a effacer tout le reste. Après le Japon reste un pays très patriarcal donc ce n’est pas étrange de retrouver ce genre de notions dans leurs oeuvres même si c’est très dommage d’avoir une vision aussi rétrograde des femmes qui sont aussi des humaines avant tout. L’anime le plus inclusif et égalitaire existant pour le moment c’est Carole & Tuesday, très bel anime d’ailleurs.

      • Je ne suis pas d’accord, et je trouve très dommage de s’arrêter à ce point de vue là (surtout que ça ne concerne pas seulement les personnages féminins, Irumi en est le plus grand exemple) et encore plus triste d’établir un lien (erroné) entre Japon sexiste donc mangas sexistes. Mais chacun sa sensibilité.

  6. Merci beaucoup pour ce super article !
    Mais malheureusement hunter x hunter n’est pas le seul manga à positionner l’intégralité de ses personnages féminins en tant que figure maternelle, et cela pour une bonne raison : le Japon est toujours assez sexiste

    On peut le voir notamment avec l’indice d’inégalité de genre du PNUD (http://hdr.undp.org/en/data) où le Japon a son IIG plus de 6 fois supérieur à l’IIG minimal, et encore ce ne sont que des données. Je crois savoir qu’il y a d’ailleurs un grand nombre de femmes au foyer au Japon (http://femme-japonaise.e-monsite.com/ étant un travail d’élève je ne suis pas sûre que cette source soit très fiable, mais elle repose sur des idées intéressantes)

    Encore une fois félicitations pour cet article !

      • Ah non je disais pas que la série elle-même l’était, mais plutôt que dans un contexte comme celui que l’on retrouve au Japon c’est difficile de passer à côté des clichés de « les femmes sont une figure maternelle » ;)

    • Plus que la figure maternelle, c’est le fait de lui trouver un substitut que je trouve intéressant. Si dans l’article je me concentre sur les femmes, le cas d’Irumi (un homme) qui veille sur son frère comme un mère pourrait le faire m’a frappé. Il y aurait de quoi dire sur le comportement de Pito, un autre homme (que bien des lecteurs prennent pour une femme d’ailleurs).
      Je pense qu’il ne faut pas faire de raccourcis du genre le Japon est sexiste donc les mangas le sont. De nombreuses œuvres à succès nous ont prouvés le contraire : d’Akira à 20th century boys, de Fullmetal Alchemist à L’attaque des titans.

      Ici, j’y perçois la vision d’un auteur et non une volonté d’affirmer que les femmes sont juste bonnes à être des mères.

      • Je suis désolée si mon raccourci a semblé rapide, ce n’était pas mon intention ^^
        Heureusement tous les mangas ne donnent pas cette image-là, mais je trouve le cas des femmes dans hunter x hunter assez intéressant pour la nécessité que les personnages ont d’avoir une figure maternelle à leur côté, semblable à l’idée générale que les mères sont supposées être là pour leurs enfants, même si ça n’arrive pas tout le temps ; la preuve beaucoup de personnages de hunter x hunter ont une mère décédée ou rejette celle-ci (comme Kirua comme tu l’as dit dans ton article).

  7. Pingback: Biblioth’Eck – Janvier ~ Juillet 2016 – eckdesu

  8. Dommage d’avoir oublié « Setsuno » ou « Frozhe » dans Toriko,c’est simple ce sont les femmes les + badass que je n’ai jamais vu dans un manga(Nekketsu ).Je pense aussi a Big Mum,mais c’est encore trop pour en parler.

  9. Je relisais ton article et repensais à la carte du pendu, l’arcane de Subaru ds X, qqch comme le sacrifice consenti en vue d’embrasser l’ataraxie amoureuse (équilibre pacifié de l’amour accompagné de l’accès à un savoir supérieur…) et de la réalisation de son souhait par Fuuma, souhait masochiste moins de rédemption que de réalisation ultime.. je me demandais si ds HxH, on ne devrait pas parler de relation de sublimation plutôt que de figure féminine (et tt ds ton article tend vers ça, j’ai l’impression).. chaque protagoniste trouve ds sa relation ambiguë avec un personnage proche s’ opposant au premier abord à la réalisation de ses souhaits, un véritable « marche-pied », une figure qui va lui permettre d’accomplir ce qu’il ne croyait même pas désirer… alors oui pour la figure de la mère-pieta.. mais n’est-ce pas un type de relation (aboutissant à une sublimation) et sa dramaturgie plutôt qu’une figure et ses caractères qui constituerait la véritable obsession de Togashi et le ressort de l’épique ds HxH (passer d’un degré à l’autre). Dès lors comme le dit Lil, (et comme tu le pensais aussi), les relations Irumi/Kilua ou Gon/Pamu ou Kurapica/chef de la brigade fantôme ou celle du Roi et de sa pieta bien sûr ressortiraient de cette même obsession : l’oeuvre comme lieu de « l’augmentation paradoxale de l’être ».. j’en sais rien.. peut-être, la relation de Kilua et de sa petite soeur démoniaque est pê une nouvelle clef.. mais je ne fais que changer de perspective, tu as tt dit en définissant la figure de la mère en prenant en compte ttes les intéractions possibles…

    • La figure de la femme n’est pas la seule de HxH, c’est la première que j’ai couché sur papier car c’est celle qui m’a le plus inspiré. D’autres viendront normalement, quand j’en aurai le courage (ça me demande énormément de temps pour relire, y réfléchir (même si j’ai déjà des pistes) et écrire.)

  10. Cool merci pour ton travail qui éclaire un peu plus ce très curieux manga qu’est HxH.
    C’est vrai que le rapport de la femme est subtilement différent des autres classiques du Shonen mais avant que ton analyse ne mette le doigt dessus, il était impossible pour ma part de dire précisément pourquoi :b.

    Lors de la lecture, j’ai tout de suite repensé au moment où Kirua fait l’analogie entre une mère protégeant son petit et Néferupito protégeant Komugi (chapitre 274 T26) où encore à la double page du chapitre 299 du T28 avec ce passage: « La mort et la renaissance d’un être absolu auxquelles s’ajoute le fait d’exister à l’intérieur du roi firent atteindre aux deux êtres le sommet de leur espèce : le domaine de la mère »
    Bref juste des exemples qui appuient encore une fois le rapport si particulier qu’entretien l’auteur avec cet aspect.

    En tout cas chapeau, en attendant avec impatience tes prochains articles sur ce manga ^^.

  11. Bonjour,

    J’ai lu ton article qui ai très intéressant à lire.
    Je n’avais vraiment pas vu trop sous cet angle, à part peut-être pour biscuit et la tante de Gon.

    Par contre il y’a un truc qui me titille, c’est le fait que tu parles que togashi à eu des liens ambiguës dans sa vie? Est-ce que cela à été confirmé par lui?
    Ce que je veux dire c’est que ce n’est pas parce que l’auteur fait ce genre d’ambiguïté entre les relations que forcément il l’a connu dans sa vie, après je ne dis pas que ce que tu dis est faux, car je ne connais pas togashi pour avoir affirmation :)

    Je tiens encore une fois à te félicité pour faire cet article qui aide à réfléchir sous différents angles .

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