On ne peut s’empêcher de remarquer que certains schémas se dessinent et se répètent d’un manga à l’autre. Le protagoniste joyeux et forte tête, son ami/rival orphelin et dépressif, la fille (présentée telle quelle avec ses traits typiques d’objet romantique à l’aspect virginal), le méchant au passé torturé, etc. Mais s’il existe un rôle qui se répépépète encore plus que les autres, c’est bien celui du père du héros. Absent, travailleur, puissant et généralement secret, quels sont les caractéristiques d’un père de héros de shônen manga ?

Les pères de héros de shônen mangas populaires, par dragongarowLEE
L’ami-mentor
Dans un shônen manga, le père est souvent détaché de son fils, la plupart du temps pour des raisons professionnelles. Il partira alors travailler aux quatre coins du globe et ne verra que peu son fils. Que fait-il ? Je n’en sais rien et l’auteur ne le sait pas non plus car la finalité importe peu : c’est en effet dans son absence que le père joue son rôle à travers ses apparitions sporadiques. Sa relation avec son enfant est davantage celle d’un ami ou d’un mentor, avec des conseils glissés en catimini avant de repartir à l’aventure.
Dans Hunter x Hunter, le père de Gon est mondialement connu pour ses faits et exploits dans le monde des Hunters. Il va tenter d’apprendre quelques bricoles à son fils une fois leur réunion après des éons, mais demeurera un véritable échec en tant que père car il s’est montré absent depuis toujours et le sera à nouveau le reste du temps.
Food Wars possède aussi un père-mentor avec celui de Soma qui est tout le temps à l’étranger pour son travail. Il revient régulièrement pour voir la progression du fils, une sorte de check-up qui tient beaucoup du point de sauvegarde dans la progression d’un jeu où le personnage ferait le point sur ses améliorations et son évolution, avec le recul d’un père qui le connaît depuis tout petit. Ce dernier étant déjà du niveau d’un boss final, il peut aisément comparer et faire le point tout en filant quelques astuces à son petit protégé.
Ce modèle peut s’appliquer, dans une certaine mesure, chez Naruto puisque l’on peut considérer tantôt Kakashi comme Jiraya de figures paternelles pour le héros qui n’a jamais connu le sien. Ces deux étant des mentors du jeune ninja, puis amis par la force des choses, ils remplissent tout un tas de rôles successivement. Leur apprentissage aussi bien spartiate que moral sera la base solide de l’identité du futur Naruto.

Le père de Gon en pleine démonstration de puissance.
L’homme mystérieux
Psychologiquement, il est admis que chacun atteint tôt ou tard un certain stade d’éveil de “conscience d’autrui”. C’est-à-dire que l’on prend conscience des autres. Qu’ils sont là – ça on le savait – mais surtout qu’ils existent comme des êtres à part entière et ont eux aussi leur petite voix interne qui réalise à son tour cette même découverte. Aussi unique veut-on se croire, nous sommes au final tous identiques. Et lorsqu’il s’agit pour le protagoniste de prendre conscience, dans un shônen (ça prend de l’importance dans le genre nekketsu car les types ne sont pas fute-fute), que notre père a une vie (et donc un passé), ce dernier est souvent haut en couleurs. Cette figure de père couvert de secrets aide à construire un futur au manga. Dans sa diégèse, il est admis que l’on ne sait rien sur lui, donc il est possible d’y greffer ce que l’on veut par la suite. Un père médecin dans une clinique ? Boum, on lui ajoute un rôle d’ex-shinigami super balèze, pas vu pas pris. Un père dont on ne sait rien ? Pourquoi pas le faire débarquer de nulle part ou lui coller un passé important pour la suite de l’histoire ? (Star Wars n’avait qu’à pas commencer, maintenant c’est la foire aux scénarii à tiroirs)
Bleach ne démord pas à la règle avec un père qui fait l’idiot pour mieux masquer sa véritable identité. Ichigo se découvre des pouvoirs et peu à peu gagne en puissance et en respect parmi ses pairs, puis découvre que son médecin de père n’est en vérité pas si blanc que ça avec un passé secret qui explique pas mal de choses. Il rejoindra même le combat en tant que figurant sur la toute fin, mais ce n’est pas son rôle de père qui restera dans les annales car le héros ne lui adresse quasiment jamais la parole, davantage motivé par ses amis.
Goku dans Dragon Ball est élevé par son grand-père. On apprend tardivement que le père de Goku était un guerrier saiyan qui sauva son fils d’une mort imminente en l’envoyant dans l’espace via une capsule. Des origines un peu mystérieuses et extraterrestres pour un personnage à la puissance surhumaine ? Oui, Superman n’a qu’à bien se tenir !
One Piece étant le nekketsu parmi les nekketsu, son héros est évidemment concerné par ce cliché avec un père qui se trouve être le chef des révolutionnaires, que l’on voit peu et dont il est difficile de dire quelles sont ses pensées quant à son fils. C’est le frère de Luffy qui servira de père par procuration, car ce dernier est complètement absent de sa vie, pour ne pas dire du récit, agissant dans l’ombre avec de sporadiques apparitions.
Le père de Eren, dans L’Attaque des Titans, n’apparaît vraiment qu’à travers des flashbacks très flous et plus que mystérieux : que trame-t’il et quel sort a-t’il réservé à son fils ? Il faudra attendre de nombreux tomes pour voir son nom ressurgir et en savoir à chaque fois un peu plus, mais il brille principalement par son absence et son aspect « savant fou » qui conspire en catimini quelque chose d’indicible.
Même cas de figure dans Full Metal Alchemist où le père est une éminence qui disparaît suite à de tragiques événements et laisse ses deux fils livrés à eux-mêmes sans leur défunte mère. Les rencontres ultérieures seront vitaminées et le père Van Hohenheim ne tâchera pas de se montrer sous son meilleur jour en se comportant de façon mystérieuse à longueur de temps. Principalement pour tenir éloigné sa progéniture des dangers qui rôdent, sans comprendre que c’est leur aide dont il a le plus besoin, sur le plan sentimental comme « militaire ».

Les parents de Goku, dans Dragon Ball.
L’objectif
Le père peut aussi être un objectif dans la vie du héros. Dépasser son père, c’est surpasser son héritage génétique en repoussant des limites fixées par son géniteur. Le père est souvent inatteignable et arriver à son niveau ne se fera qu’au bout d’un long et douloureux parcours semé de power-up et autres chutes vertigineuses. Le père est donc un but, une finalité. Il sert de mètre-étalon et se trouve donc à la fin, du moins dans un premier temps. L’enfant se comparant forcément au parent, il n’est pas non plus bizarre d’avoir affaire à ce genre de cas. Bien qu’ici il prend une toute autre dimension car les mangas en question évoluent dans des univers où les rapports de puissance sont l’unité de comparaison première entre deux personnages. Qui est meilleur ? Le plus fort ? Celui avec le plus de chakra, de nen, le plus gros bankai qui explose dans tous les sens, les meilleurs muscles, le plus beau tableau de chasse, etc. C’est donc en se comparant que les personnages existent et évoluent dans un cadre compétitif. Il faut être le meilleur. Du coup, savoir son père tout en haut du tableau met un coup au moral mais nous motive à la fois : en possédant le même bagage génétique, on se sent capable de surmonter cette épreuve.
Naruto a un père décrit comme un génie doublé d’un leader regretté par son peuple. Naruto lui a la puissance d’un génie et un potentiel d’apprentissage énorme, et il luttera sans cesse pour arriver à être à son tour le leader aimé du village. Une longue quête initiatique sur les traces de son père malgré lui car il n’apprendra qu’assez tard qui étaient ses parents et quel rôle ils ont tenu dans la géopolitique du monde ninja.
Soul Eater lui aussi a son cas avec Death the Kid qui est le digne fils de son dieu de la mort de père, niveau héritage difficile à porter, on se met bien. Il tentera par la force d’imposer son unicité en tant qu’individu en se démarquant de son paternel sans pour autant renier l’héritage génétique et se montrera digne du titre qu’il possède.
Dans le manga Baki et son père qui est l’homme le plus fort du monde… et le moins humain au final. Ce cas est extrêmement intéressant car la dualité entre Yujiro Hanma et son fils Baki est au cœur même du fil rouge du scénario. Ce dernier tâche de rester humain en n’hésitant pas à exprimer et utiliser ses sentiments, à chercher l’amour etc. Il puise sa force dans ce que son père n’a pas réussi à achever en se détachant de tout ça pour seulement accumuler de la puissance brute. Baki est donc créé par son père, forgé à l’aide de ses plans et manipulations pour qu’il affronte tel ou tels adversaires et apprenne de la vie afin de le surpasser. Car une fois au sommet, il n’y a rien de plus ennuyeux que d’y rester sans avoir davantage de challenge. Alors on se fabrique un adversaire à sa taille : et pour cela rien de mieux que son propre fils.

Homme « le plus puissant du monde », charismatique au point de faire plier les présidents et assoiffé de combats : Yujiro Hanma n’est pas un père à prendre à la légère.
Je n’ai évidemment pas le besoin de citer tous les mangas de l’univers qui ont un rapport avec cet article, ce n’est pas le but et je n’ai pas TOUT lu, mais grosso merdo selon mes lectures, ces exemples sont assez représentatifs d’une généralité. Et pendant ce temps, les mamans sont (presque) toutes mortes, incarnant une image d’ange gardien qui se sacrifie pour le bienfait de son fils aimé. Bah putain, il y a encore du boulot à faire.
Eh bah putain.
J’aimerai bien voir un héro qui part à la recherche de sa mère qui serait une figure très importante,ça changerait un peu du père…
Ou alors au lieu d’une mère « ange gardien », une mère horrible …. etc