Parasite (Kiseiju) et l’éthologie.

Pour conclure cette trilogie dédiée à l’œuvre d’Hitoshi Iwaaki, on va s’intéresser à l’éthologie. On peut définir cette science par l’étude des adaptations comportementales des espèces animales aux contraintes de leur environnement. Je vais aussi un peu m’égarer sur l’évolution de la pensée des deux acolytes (ça donne un truc du genre : je pense, j’agis, je suis). Alors, comme à l’accoutumé, on va commencer par l’énonciation de quelques définitions avant d’arriver à ce qui est vraiment intéressant : l’analyse. L’étude d’un comportement peut être séparée en deux domaines : la causalité proximale (le comment) et la causalité ultime (le pourquoi). On va creuser encore et diviser en deux ces domaines. On répond à la question du comment en se concentrant sur les causes à effets immédiats et sur l’ontogenèse (l’histoire de l’individu). On répond à la question du pourquoi en s’intéressant à l’évolution (histoire de l’espèce) et à la fonction (valeur adaptative). Toutes ces notions vont être précisées et imagées avec des scènes plus ou moins marquantes de l’histoire de Shin’ichi. Attention, ça spoile sévère. Bref, c’est parti !

Le héros est un jeune lycéen normal qui s’endort tranquillement branché à son baladeur. Tout d’un coup, un serpent tout bizarre essaie de s’introduire dans son corps. Cet animal étrange passe d’abord par le nez, échoue et tente le bras. Horrifié par la scène, Shin’ichi se garrotte au niveau du coude avec ses écouteurs tout en hurlant. Les parents arrivent en fin de scène et assistent au spectacle d’un fils au bras rouge sang  enlacé d’un câble. Première galère de notre héros.

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Les fabulations d’un jeune drogué.

Il n’en a pas encore conscience mais il vient d’être parasité. A partir de ce moment, il n’est plus humain. Son corps va changer, sa pensée et son comportement vont évoluer et il devient donc un être vivant particulier. Le lendemain, son bras est là, tout à fait normal. Ou du moins en apparence. Un être vivant est en train de germer dans ce bras et prêt à faire sa grande entrée. Je vous passe les images d’un tas de scènes rigolotes : vivacité hors du commun, bras élastique baladeur, voyeur des toilettes et un phallus à la place du bras. Il y aussi un peu de baston. Bref, Migi fait n’importe quoi. En rentrant, une seule envie, se débarrasser de ce colocataire dérangeant.

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Et si on partait du bon pied ?

Ces premiers chapitres permettent d’introduire ce duo de héros. Shin’ichi a un comportement totalement différent face à ses copains, sa petite amie et ses parents depuis qu’il est parasité. Chez lui, il est distant avec ses parents, s’enferme dans sa chambre et communique peu avec sa mère. Tout ça afin que Migi ne soit pas découvert. En dehors, ses relations sociales sont mises à mal. Il doit adapter son comportement en fonction des débordements du parasite afin de conserver son statut social et de ne pas être envoyé chez les fous. On enchaîne ensuite avec le deuxième protagoniste et la rencontre avec ses congénères. La première s’effectue avec un chien parasité, c’est-à-dire un parasitisme raté. Il s’ensuit un combat éclair où Migi triomphe tout content contrairement à Shin’ichi qui est frappé par la violence de la scène. La deuxième se réalise face à un humain parasité. La finalité est la même : Migi tue un parasite. Face à des ennemis, pas le temps de cogiter, il faut les abattre. En tant qu’organisme faible (sa constitution initiale de ver), il privilégie la survie à toutes autres actions (échanger de corps sans garantie de succès par exemple).

Dès le début, les deux protagonistes ont des comportements cohérents avec les situations. Chacun d’eux agit selon l’environnement en tenant compte l’un de l’autre. Au fil des rencontres et des combats, ils apprennent à se connaître, mêlent leurs pensées et apprennent à survivre ensemble. Shin’ichi pense comme un être humain : il se soucie de ses semblables, laisse ses émotions prendre le pas sur son raisonnement et agit imprudemment. Migi pense comme un parasite : il se soucie de sa survie, ne laisse transparaître aucun sentiment et est cartésien dans son raisonnement. Les scènes se suivent et se ressemblent jusqu’à la première grande scène qui clôture le début : le mélange.

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Un souffle nouveau.

Les parents du jeune homme ont pris quelques jours de vacances et partent se détendre au bord de mer. Tout se passe bien jusqu’au dernier jour. Un parasite apparaît par surprise, décapite la maman et projette le papa dans la mer. Pour plus de tragédie, le parasite prend possession du corps de la mère de Shin’ichi et se rend au domicile familial. Mis au courant par le père rescapé, les deux camarades préparent un plan et attendent armés d’un couteau. Lorsque sa mère arrive, Izumi est pétrifié. Il ne peut pas, ne veut pas passer à l’action et attaquer ce parasite qui porte le visage de sa mère. Il menace même Migi avec l’arme qui devait, à l’origine, les protéger. Mort s’ensuit.

Comment se fait-il qu’il est incapable d’agir ? Tout d’abord, c’est sa mère. Il l’aime et il lui est difficile de la tuer. Elle se présente devant lui comme il l’a toujours connu : belle avec de grands yeux. Même plus que ça, le monstre qui se tient devant lui à même gardé la brûlure à la main. Cicatrice du passé, elle rappelle à la mère et au fils un triste accident. Un enfant dans la cuisine, une marmite pleine d’huile brûlante et un fracas. La mère rattrape l’objet en plein vol et s’ébouillante le bras. Elle protège son fils et celui-ci ne l’oubliera pas. Pourquoi il ne décide pas de se défendre ? L’homme, en tant qu’animal, considère la mère comme un symbole de protection et d’amour. En tant que tel, il lui est impossible de vouloir la tuer. Au contraire, il va tout faire pour qu’elle se porte au mieux et qu’elle ne craint aucun danger. Lorsque Shin’ichi refuse le combat avec l’ennemi, il fait un choix : celui de ne pas survivre. Il s’adapte à la situation et met sa propre personne en arrière. Il préfère mourir que de plonger dans le matricide.

Migi sauve finalement la vie d’Izumi en remplaçant son cœur. Durant cette opération, il se sépare en milliers de particules avant de regagner sa position initiale. Certaines restent en libre circulation dans le corps du garçon. Cela va créer une modification physique mais aussi morale. La pensée de Shin’ichi devient de plus en plus logique, rigoureuse et pragmatique. Ses comportement sont aussi influencés : il se débarrasse d’un chien mort en le déposant dans une poubelle, n’arrive plus à pleurer et à exprimer ses émotions et fait preuve d’assurance et de placidité durant des circonstances périlleuses. Néanmoins, il est constamment tiraillé entre son côté humain et son côté parasite. Izumi conserve une pensée humaine et des comportements qui en découlent : il revient enterrer la dépouille du chien, s’estomaque face à une scène macabre, décide de se frotter au danger afin de protéger un être cher au dépit de sa survie ou protège son prochain alors qu’il représente un problème. On a ici une sorte de dualisme : la pensée propre à l’humain et la pensée propre au parasite. On retrouve également cette notion chez Migi.

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Adieu camarade…

L’assemblée des Compagnons étant dissoute, Gotô vagabonde librement avec un seul objectif : tuer Shin’ichi et Migi puis évaluer sa puissance. Après une course-poursuite dans les chaînes montagneuses, un combat s’engage dans la forêt. Plus faible que cet être physiquement parfait (ou presque), ils décident de ruser. Migi se sépare d’Izumi pour faire diversion et attaquer sur deux fronts. Manque de bol, c’est un échec. Il lui ordonne de fuir et de vivre tandis qu’il dépérit.

Comment se fait-il que Migi décide de se sacrifier ? Tout d’abord, la situation est critique. Il se sont séparés (perte de puissance), ont raté leur baroud d’honneur et font face à une bête imbattable. Quelqu’un doit rester pour captiver le monstre et protéger les arrières de celui qui décanille. Migi endosse ce rôle. S’il décide de rester, c’est pour protéger son camarade. Ils ont vécu tout un tas d’aventures et des liens se sont créés. En somme, il y a une histoire derrière leur relation. Pourquoi Migi a un comportement altruiste ? Le choix de vivre ou de mourir est propre aux animaux. Un animal peut décider, pour la survie de sa progéniture, de réduire sa chance de survie afin de garantir la perpétuation de l’espèce. Vaut mieux mourir seul qu’à plusieurs. C’est en pensant ça que le petit parasite décide de mourir malgré le fait que son existence prenne fin.

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La fin d’une amitié.

Le comportement de Migi cité plus haut est aussi dû à un changement dans sa manière de penser. Juste après le mélange, sa morale s’adoucit, devient moins logique et fait place aux sentiments. Une scène est marquante : la presque tentative d’homicide sur le détective. Migi retient ses coups (aidé par Shin’ichi) et n’ôte donc pas la vie de ce Sherlock Holmes en herbe. Il décide même de collaborer pour obtenir des informations et de l’aider à ne pas se faire tuer par les autres parasites. Migi goûte à l’altruisme. Un enchainement de planches le montre encore plus humain : les adieux, les inquiétudes et les remerciements sont les simples manifestations des émotions et des sentiments.

Bien entendu, il reste encore des scènes et des personnages qui mériteraient un coup d’œil mais cet article ne se veut pas exhaustif. Il ne reste qu’à vous d’analyser les passages et les personnages qui vous ont le plus plu.

Hitoshi Iwaaki nous surprend encore en jouant à l’apprenti biologiste en fondant son récit sur des notions scientifiques. Il mêle habilement les comportements et les pensées de ses personnages (ici principaux) tout en faisant avancer l’histoire.

Une réflexion sur “Parasite (Kiseiju) et l’éthologie.

  1. Merci beaucoup pour vos trois articles ! ils m’ont donné des idées dans la rédaction de ma communication sur la cause animale dans les mangas dans le cadre d’un colloque à venir !

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