Le Festival du Film Coréen de Paris (FFCP, nous vous en parlions la semaine dernière) est l’occasion d’effectuer une veille sur les artistes en devenir. Cette année, la section portrait était consacrée à Yoon Ga-eun. À travers trois courts, son premier long-métrage datant de 2015, et une masterclass, nous avons pu découvrir une jeune cinéaste montrant tout ce qu’il faut pour faire partie, à terme, de la cour des grands : un créneau, des obsessions et un sens aigüe de la mise en image.
Yoon Ga-eun
Née en 1982 – Nationalité Sud-Coréenne – diplômée en 2005 de l’université Sogang – intègre le K’Arts en 2010
Filmographie :
Taste of Salvia (2009)
- Proof (2010)
- Guest (2011) – remporte le grand-prix du Festival International du Court-Métrage de Clermont-Ferrand en 2012
- Sprout (2013) – remporte l’Ours de Cristal du meilleur court-métrage au Festival de Berlin de 2014
- Scénario de Tabloid Truth (2014)
- The World of Us (2015) – sélectionné au Festival de Berlin 2016
Au FFCP donc, le public parisien a pu découvrir les courts-métrages Taste of Salvia, Guest et Sprout, ainsi que le film The World of Us.
Trailer de The World of Us
Au vu de ces descriptions, il y a deux choses à noter : les blessures d’enfance sont l’obsession cinématographique principale de Yoon Gan-eun, au point de transformer son idée de The Taste of Salvia en ce long-métrage qu’est The World of Us.
Une expérience tirée du vécu
Lors de sa masterclass, Yoon Ga-eun nous a indiqué que l’histoire des deux amis de The Taste of Salvia et The World of Us est puisée de son propre vécu : la réalisatrice souffrait du rejet de ses camarades, et a fini en mauvais termes avec l’une de ses amies, de la même manière que les relations entre les deux héroïnes sont décrites. Plus, Yoon Ga-eun transforme son vécu pour atténuer cette mauvaise expérience. En effet, le final de The World of Us donne une chance aux deux amies de poursuivre leur chemin, ce que n’a pas pu vivre la cinéaste.
Drame psychologique et talent de cinéaste
Lorsque l’on prend du recul sur les scénarios et les thématiques des films de Yoon Ga-eun, on se rend compte qu’il ne s’agit en rien d’un sujet original ou fantaisiste, qu’il est vécu par des millions d’enfants. Cependant, Yoon Ga-eun parvient, au travers de son talent de cinéaste et de directrice d’acteurs, à capturer tout le drame intérieur des personnages pour offrir quelque chose de très puissant. Comprenons-nous bien : les enfants peuvent se faire du mal, c’est un phénomène connu qui peut prendre des proportions plus ou moins graves. Yoon Ga-eun n’évoque pas les pires relations qui soient, mais celles qui poussent des enfants à s’isoler, se sentir seuls, et qui leur provoque beaucoup de tristesse. Si elle parvient aussi bien à faire ressentir la psyché et la tristesse des personnages, c’est grâce à sa réalisation, qui bien qu’étant jeune, est parfaite dans son genre.
Directrice d’acteur enfant, tâche difficile mais maîtrisée
Après avoir expérimenté diverses techniques pour faire jouer des enfants dans ses courts-métrages, elle est parvenue à trouver la meilleure façon pour qu’ils transmettent au mieux leur émotion, malgré un jeu tout en sobriété. Filmé au plus près, avec de longs silences, le film est lourd en émotions profondes, et c’est ce qui fait sa force. Le spectateur est ramené au même niveau que les enfants qu’il regarde. Non seulement, il comprend ce qui fait mal aux personnages, mais peut être amené à le ressentir également. Ceci est valable pour Taste of Salvia et The World of Us dont c’est le sujet principal, mais aussi pour Guest, où les enfants sont livrés à eux-mêmes, victimes de l’impuissance des adultes. Sprout, un court-métrage d’une très très grande réussite, sorte de Yotsuba filmé, explore la même problématique, puisque la petite héroïne cherche à atteindre un but qui lui est presque impossible par elle-même, tout en découvrant son environnement avec beaucoup d’entrain.
Révélation dans le cinéma coréen
Au final, on sent à quel point la réalisatrice a été marquée personnellement par ces thématiques, à quel point elle se questionne sur la capacité des enfants à absorber ou expulser des émotions bien plus puissamment que les adultes, et comment elle parvient à transcender en film ses obsessions. Pour cela, elle parvient à emmener tous les spectateurs au cœur du problème afin de lui faire ressentir des sensations simples mais terriblement vraies, autant dans la tristesse que la joie retrouvée. Clairement, Yoon Ga-eun montre de folles aptitudes à ce niveau, et son travail est à suivre de près.
Merci pour cette découverte, c’est une réalisatrice qui, effectivement, a l’air d’avoir beaucoup de talent!
Oui ! J’espère cela dit qu’elle sera diffusée en France, en vidéo notamment. Parce que sinon, ça va être difficile de vraiment s’intéresser à ce qu’elle fait.
Super article qui donne une furieuse envie de découvrir le travail de cette jeune cinéaste. En espérant trouver ne serait-ce qu’une offre légale pour pouvoir en avoir un plus large aperçu que dans du trailer.
Merci ! Je pense que ça dépendra de ses prochains films. Si elle devient incontournable, on verra forcément ses films débarquer, nouveaux comme anciens.
Merci pour cet article, voilà un film que j’aimerais beaucoup voir un jour. Le trailer a réussi à me faire pleurer à lui tout seul. Bonne découverte.
Je suis très content de ton commentaire ! Donner envie de découvrir l’artiste est ce qui m’importe. En plus, je peux le dire : le film est plus puissant que le trailer, puisqu’il gère mieux les silences et les non-dits, qui donnent tant de force à l’émotion du film.