En ce qui concerne les nouveautés manga, 2017 fut une année riche en titres de qualité dans des domaines très différents. Afin de représenter au mieux la diversité des bandes dessinées japonaises, j’ai concocté un guide des œuvres les plus marquantes de l’année selon dix catégories. Chacune d’entre elles se présente sous la forme d’une sélection de trois mangas et d’un coup de cœur. Vous trouverez sur les couvertures des légendes indiquant l’éditeur de la série, le nombres de tomes parus en 2017, une note signifiant si le manga est en cours ou terminé en France et son prix. Les critères de nomination sont très simples puisqu’ils se reposent sur les titres que j’ai achetés au cours de l’année ainsi que mes goûts personnels. Sur ce, c’est parti pour les découvertes, et n’hésitez surtout pas à dévoiler quels ont été vos chouchous de cette année !
Science-fiction
Cavale vers les étoiles de Ryoma Nomura : Course-poursuite nerveuse dans laquelle deux filles tentent de rejoindre Mars. L’une s’est échappée d’un laboratoire secret et a toute l’armée britannique à ses trousses, l’autre est une vendeuse de ramen avec un corps cybernétique puissant qui s’est retrouvée embarquée dans la souffle narratif sans rien demander à personne. Cavale vers les étoiles fonctionne sur ce duo entre la petite furie et la fille toujours décalée, mais aussi par son univers de science-fiction cyberpunk à l’ancienne. S’il manque un peu de développement, la principale qualité du récit est son rythme effréné et ses scènes d’action grandioses. Science save the Queen !
Rafnas de Yumiko Shirai : Nous amenant sur une planète colonisée par les humains, la série brille par la densité de son univers. Les particules de rafnas sont au centre du manga, si bien qu’elles font corps avec les habitants, modifiant leur rapport à la gravité. Yumiko Shirai narre la rencontre d’un originel insensible au rafnas et de la nouvelle vigie, venue au village pour surveiller les streams. En seulement deux tomes, l’autrice parvient à nous présenter les personnages, leur relation, mais aussi l’univers qu’elle a créé tout en gardant le fil rouge de l’histoire en vue. C’est une œuvre merveilleuse dans laquelle tout amateur de science-fiction devrait se plonger ne serait-ce que pour la beauté des environnements de cette planète rocheuse.
Je suis Shingo de Kazuo Umezu : Est-ce un manga de science-fiction ou bien une histoire d’amour ? Parle-t-il de l’enfance ou du monde du travail ? S’agit-il d’un drame familial ou alors d’une plongée dans la modernité ? Une seule certitude s’offre à nos yeux : Je suis Shingo est un récit aussi riche qu’il est énigmatique. En nous ouvrant les portes de l’univers d’un garçon dont le quotidien change avec l’arrivée d’un robot à l’usine de son père, Kazuo Umezu nous livre une série passionnante. De la rencontre avec la jolie Marine à la programmation du robot, le manga multiplie les pistes pour mieux nous perdre. Au final, on lit une œuvre inclassable, un véritable ovni sublimé par le dessin old school de l’artiste et sa mise en scène qui n’a pas vieilli.

Le lézard noir, 2 tomes, en cours, 13€
Tokyo Alien Bros. de Keigo Shinzo : Un vent frais souffle sur le manga, il nous est apporté par deux frères qui viennent d’une autre planète. L’un est bien intégré dans la vie tokyoïte tandis que l’autre n’arrive pas à trouver sa place parmi les humains. On suit donc ces deux personnages qui observent les citadins et tentent de vivre comme eux mais avec un regard toujours décalé par rapport à ce qu’est la réalité. Tokyo Alien Bros. est décontracté tout en étant terriblement touchant, un ton qui se reflète jusque dans le trait aussi souple que léger de l’auteur. Qu’il fait du bien, ce manga.
Imaginaire
Les chats du Louvre de Taiyo Matsumoto : Après Rohan au Louvre de Hirohiko Araki, Les gardiens du Louvre de Jiro Taniguchi et l’anthologie Les rêveurs du Louvre, c’est Taiyo Matsumoto qui fait son entrée au célèbre musée. Faisant se croiser des chats qui prennent entre eux des allures anthropomorphes et du personnel du Louvre, l’auteur nous convie à travers les tableaux à la recherche d’une petite fille qui s’y serait perdue. Si on pouvait s’attendre à un pur travail de commande, Taiyo Matsumoto en profite pour faire passer sa vision de l’art par le biais des personnages. En définitive, Les chats du Louvre est dans la pure continuité de son travail en abordant, notamment la thématique de l’enfance qu’il a sublimé d’Amer Beton à Sunny.
L’île errante de Kenji Tsuruta : Voyageant en avion à travers les petites îles japonaises pour remettre des colis, la vie de Mikura va changer suite au décès de son grand-père. Parmi les affaires du défunt, elle trouve une lettre à remettre sur Electriciteit, une île présente sur aucune carte. La jeune femme va se prendre de passion pour cet archipel mobile, jusqu’à en être obsédée. Le manga se présente donc comme un conte fantastique à la recherche d’un lieu imaginaire. Il est d’autant plus charmant que la quête est magnifiée par le trait de Kenji Tsuruta qui dessine à merveille ce qu’il aime le plus : une jeune fille sexy, un vieil avion et un chat.
Zhenniao de Yayohi Monzen : Fortement inspiré par la Chine traditionnelle, ce one shot narre la rencontre entre un général de l’armée et un Zhen, une espèce d’oiseau à moitié humain qui tire fierté de la couleur de ses ailes et dont la morsure est toxique. Manga féerique par excellence, il marque avant tout par son univers folklorique et la beauté de l’animal mythologique. Une véritable relation s’instaure entre le général Fei et le Zhen qui a tué son frère. Si leur lien est au cœur de l’œuvre, le rapprochement lève peu à peu le voile entourant le décès du pourtant réputé éleveur de Zhen. Conte sublime et envoûtant, cette histoire de Yayohi Monzen est une merveille ayant de quoi faire rêver tout amateur de créatures fantastiques.

Komikku, 3 tomes, en cours, 7,90€
L’Enfant et le Maudit de Nagabe : Rencontre entre une jeune fille d’une blancheur resplendissante et d’une créature fantastique troublante par sa noirceur qu’elle nomme professeur, le premier titre de Nagabe à paraître en France est une merveille unique en son genre. Aux allures de conte philosophique et dégageant une aura poétique, on s’émerveille devant la beauté de l’univers et la profondeur de la mythologie imaginées par l’auteur. Versant tantôt dans la vie quotidienne tantôt dans les mystères ésotériques, on ne peut qu’être fasciné par la relation qu’entretiennent ces deux êtres qui ne peuvent guère se toucher.
Aventure
Fire Punch de Tatsuki Fujimoto : Dire qu’il s’agit d’un manga coup de poing semblerait être une formule facile, et pourtant c’est bel et bien le cas. Dès le départ, Fire Punch s’impose par son univers futuriste glauque. Plongés dans une nouvelle ère glacière par une sorcière, les humains ont retrouvé leurs instincts les plus sauvages : inceste, cannibalisme, meurtre, viol, zoophilie et j’en passe font que l’œuvre n’est pas à mettre entre toutes les mains. Et pourtant, on ne tombe pas dans une surenchère grotesque tant l’univers créé par Tatsuki Fujimoto est parfaitement cohérent dans son ensemble. Suivant un immortel ravagé par les flammes en quête de vengeance, le récit prend sans arrêt des tournures inattendues en mettant en scène des personnages hauts en couleur. Chaque révélation est troublante, chaque tournant remet tout l’univers en question.
Les mémoires de Vanitas de Jun Mochizuki : Récit de vampires dans un Paris steampunk, le nouveau manga de l’autrice de Pandora Hearts marque avant tout les esprits par la force de ses personnages. S’attacher à Vanitas, Noé, Jeanne et tous leurs compagnons est chose aisée tant l’artiste soigne leur entrée en scène. Les mémoires de Vanitas s’impose comme une lecture légère et divertissante qu’il fait bon suivre quand bien même des destins tragiques se dévoilent pour mieux nous saisir le cœur… Cette série est absolument passionnante, plus on avance dans l’histoire et plus notre esprit s’emprisonne dans les fils scénaristiques tendus par Jun Mochizuki. Difficile de s’en défaire, il y a de quoi devenir accro.
Les rôdeurs de la nuit de Koyoharu Gotoge : Bien moins médiatisée que d’autres de ses consœurs issues du Shonen Jump mais aussi bien moins lisse, la série nous plonge dans un Japon fantastique de l’ère Taisho. On y suit un jeune homme qui, à son retour à la maison, découvre que toute sa famille s’est faite massacrer par un ogre. Seule survivante, sa jeune sœur s’est faite contaminer et s’est transformée en bête féroce… Afin de pouvoir la contenir, l’affligé garçon suit une formation de chasseur d’ogres. Brillant par sa relation entre un frère et sa sœur et son folklore passionnant, Les rôdeurs de la nuit subjugue grâce à la richesse des idées narratives et esthétiques de son autrice. On se remémore alors au bon temps des épopées fantastiques à la Inu Yasha.

Pika, 4 tomes, en cours, 6,95€
To your Eternity de Yoshitoki Oima : Ayant marqué les esprits avec A silent voice, l’autrice fait son grand retour en nous offrant une aventure fantastique à la beauté sans égale. Elle nous présente le parcours d’un être immortel venu d’ailleurs capable de prendre diverses apparences. Voyageant avec lui dans des contrées folkloriques, on découvre une jolie galerie de personnages si attachants qu’on se prend de passion pour leurs histoires. Et c’est bien là que se situe le véritable enjeu du manga : nous faire ressentir diverses émotions très fortes à la lecture. En marge des sentiments qu’on éprouve, Yoshitoki Oima livre ses réflexions sur la mort et son après, l’importance de la nature ou encore l’amour sous toutes ses formes. En plus d’être poignant, To your Eternity est définitivement un des mangas les plus intéressants de ces derniers temps.
Suspense
Adam et Ève de Hideo Yamamoto et Ryoichi Ikegami : Huis clos dans lequel deux êtres invisibles s’en prennent aux têtes pensantes du monde de la pègre dans une salle d’un club privé, Adam et Ève est sans aucun doute le manga le plus grotesquement génial de l’année. Au sein des yakuzas, c’est le charismatique Smell qui mène la danse pour démasquer les assassins en jouant sur les cinq sens du corps humain. Délirant à souhait, cela n’empêche guère qu’une tension s’instaure très rapidement, notamment grâce aux nombreuses questions concernant l’identité et les motivations des deux tueurs qu’on ne peut pas voir. De plus, la série brille par tout son esthétisme, du réalisme du dessin ajoutant à l’absurde au découpage des cases qui en met plein la vue.
Rain Man de Yukinobu Hoshino : Après avoir assisté au suicide d’un homme qui lui ressemblait, Taki Amamiya fait une découverte des plus étranges sur son corps : il n’a pas de cerveau. Dernier manga d’un grand maître de la science-fiction qui officie depuis les années 70, Rain man est un polar troublant sur les études comportementales. Le rôle du cerveau et celui de l’esprit y sont observés, mais l’auteur propose également une approche fascinante de la conscience collective, de la mémoire des lieux ou encore des manipulations mentales. Bien qu’elle soit très dense et enrichissante de par ses aspects scientifiques, psychologiques et philosophiques, l’œuvre de Yukinobu Hoshino reste néanmoins passionnante grâce à la qualité des enquêtes qui se mettent progressivement en place.
Dernière heure de Yu : Récit inclassable à la fois doux, poignant et terrifiant, qui parle aussi bien de guerre, de cuisine que d’amour… Pour leur dernière année de collège, les enfants d’une petite île éloignée sont envoyés tour à tour à la guerre, sauf deux qui en sont dispensés. Entre la vie quotidienne qui suit son cours, l’angoisse de savoir si leurs amis vont revenir et l’énigme de cet ennemi dont on ne sait rien, Dernière heure est l’un des récits les plus passionnants de l’année. Des thèmes graves qui contrastent avec le dessin tout en douceur de Yu et des personnages presque tous adorables… Une série à l’aura dramatique bien réelle puisqu’elle est la dernière œuvre de la dessinatrice qui nous a quittés le premier juillet dernier.

Sakka, 1 tome, terminé, 27€
Les enfants de l’Araignée de Mario Tamura : Il y a eu Akira, Amer Beton, il y a désormais Les enfants de l’Araignée. Bien évidemment ce titre n’aura jamais le même statut que ses prédécesseurs pour des raisons qui dépassent le cadre de ses qualités propres. Et pourtant cette plongée dans une dystopie d’après-guerre futuriste est fascinante. On y suit trois jeunes hommes des quartiers pauvres s’évader d’un centre de redressement et découvrant un monde souterrain. En lutte plus ou moins malgré eux contre un régime totalitaire, ils nous entraînent dans une histoire haletante et pleine de rebondissements palpitants. Passionnant, le récit est servi par un trait rêche et maladroit lui confèrant une puissance urbaine qui pousse à se soulever.
Tranches de vie
Les Fleurs du Mal de Shuzo Oshimi : Empruntant autant au symbolisme qu’au surréalisme, l’histoire de Takao fait sans cesse écho à l’œuvre de Baudelaire tant dans sa construction qu’au travers des thématiques qu’elle aborde. On suit un jeune homme dérobant les vêtements de sport de sa muse avant de subir le chantage d’une fille qui l’a démasqué. Cette dernière souhaite voir tomber son masque et faire éclater au grand jour sa perversité. Usant de nombreuses métaphores comme les montagnes entourant la ville évoquant la prison morale ou une scène magistrale de peinture en salle de classe définissant clairement la libération sociale comme un exutoire, Shuzo Oshimi nous pond un manga bien plus profond qu’il n’y paraît. Tout est pensé pour déstabiliser le lectorat, jusqu’au dessin et à la mise en page d’un classicisme qui se désagrège au fil des tomes, comme si l’art aussi sortait des normes.
Le chant des souliers rouges de Mizu Sahara : Après m’avoir ému aux larmes avec My Girl, Mizu Sahara est de retour dans les librairies françaises. Et la recette n’a pas changé : un trait aussi doux que maladroit qui ouvre la porte aux émotions, un récit dont le rythme est haché pour s’attarder sur les sentiments… Ce qu’on pourrait qualifier de défaut chez d’autres confère une aura poétique aux histoires de Mizu Sahara. Ici, l’artiste dresse le portrait d’un jeune garçon en dépression qui essaie de repartir de l’avant grâce au flamenco. C’est rude, touchant, mais l’once de positivité qui se fait sentir met du baume au cœur.
La Cantine de Minuit de Yaro Abe : Son petit restaurant n’est ouvert qu’entre minuit et 7 heures, on y sert ce qu’on demande en fonction des ingrédients en stock. Bienvenue dans La Cantine de Minuit, petit lieu convivial où se croisent les habitués de la nuit. Découpé en petits chapitres, le manga de Yaro Abe s’intéresse à la clientèle souvent marginale de la brasserie. Ce sont ces portraits tantôt drôles tantôt touchants qui font la saveur du manga en nous faisant découvrir un Japon autre que celui des cartes postales. Et si en plus le titre est assaisonné de petites recettes toutes simples qui mettent l’eau à la bouche, je ne sais pas ce qu’il faut de plus pour le déguster en douceur. Il s’agit clairement d’une série qui donne envie de faire le voyage sur l’archipel, ne serait-ce pour grignoter dans un petit troquet.

Kana, 7 tomes, en cours, 7,45€
March comes in like a Lion de Chica Umino : Le moins que l’on puisse dire est que le grand retour de l’autrice de Honey and Clover est triomphal. Avec March comes in like a Lion, l’artiste nous plonge dans le quotidien d’un jeune prodige du shogi qui a perdu sa famille. Entre le réconfort qu’il trouve au sein d’une sororie et sa relation toxique avec sa sœur adoptive, le manga est axé sur ce que ressent son protagoniste. Et c’est justement là que Chica Umino brille, en dépeignant avec une justesse si touchante la dépression d’un jeune garçon : le rapport aux autres, le rapport au jeu ; c’est l’existence qui est au cœur de ce manga décidément très dense.
Social
Je voudrais être tué par une lycéenne d’Usamaru Furuya : Lors de cette année riche en mangas, j’ai pu retrouver un auteur que j’adore de tout mon être : Usamaru Furuya. Entre Notre Hikari Club (dérivé de Litchi Hikari Club, mon préféré) et Je voudrais être tué par une lycéenne, mon petit cœur de fan bat très fort. Ce dernier est l’occasion de découvrir des troubles mentaux, sans porter de jugement moral ou comique dessus. Au contraire, l’artiste parle d’autassassinophilie mais aussi du syndrome d’Asperger et de dédoublement de la personnalité tout en compréhension. Il ajoute cependant une pointe de tension dans son récit, nous faisant suivre avec autant d’intérêt que d’angoisse le plan macabre d’un professeur prêt à mourir par amour.
Our summer Holiday de Kaori Ozaki : Lorsqu’un footballeur en herbe sèche son stage pour passer ses vacances d’été chez une fille mise à l’écart dans sa classe, on pourrait s’attendre à une douce romance de saison. Oui, c’est ce qu’est Our summer Holiday. Mais limiter le récit à une amourette serait bien mal connaître l’autrice d’Immortal Rain. Ici l’amour est perçu comme un réconfort au cœur d’une éphémère histoire ayant pour thème la famille. Perte d’un proche ou bien mauvais parents, substitut paternel et recomposition, Kaori Ozaki nous offre un poignant drame familial teinté d’espérance dont on a du mal à ressortir indemne.
Nos yeux fermés d’Akira Saso : Pauvre et enchaînant les petits boulots alimentaires, le quotidien de Chihaya n’a aucune saveur. Le jour où elle rencontre Ichitaro – un non-voyant – et qu’elle lui fait visiter le quartier, sa vie prend un nouveau départ. Avec Nos yeux fermés, on tombe dans l’écueil classique mais efficace du malvoyant qui fait ouvrir les yeux à une jeune fille qui ne profitait pas de ce qu’elle avait sous son nez. Pour autant le récit est bien plus dense puisqu’il dépeint des problèmes liés aux chutes ou au harcèlement ainsi que des rencontres entre non-voyants. On découvre en même temps que Chihaya la manière dont ses nouveaux amis vivent leur handicap au jour le jour.

Le lézard noir, 3 tomes, terminé, 15€
Tokyo Kaido de Minetaro Mochizuki : Avant de débuter Chiisakobé, Minenato Mochizuki effectuait sa renaissance en tant qu’artiste avec un manga plus personnel : Tokyo Kaido. Nous plongeant au cœur d’un récit qui suit des jeunes présentant un dysfonctionnement mental, la lecture parvient à toucher par la finesse avec laquelle une jeunesse qui se sent incomprise est dépeinte. Visuellement époustouflant, chaque case du manga est une merveille de pureté. On est soufflé par la précision de l’auteur, et donc d’autant plus réceptif aux émotions qu’il transmet. En plus, Minetaro Mochizuki se livre sur son métier de dessinateur de manga par le biais d’une mise en abyme subtile.
Romance
Qualia under the snow de Kanna Kii : Continuant à toucher nos cœurs avec la suite de L’étrange de la plage, Kanna Kii a réussi à nous faire chavirer avec un autre récit sensiblement différent. Qualia under the snow est un one shot mettant en scène la rencontre entre un étudiant asocial passionné par les fleurs et un jeune gay qui enchaîne les rencontres. Très différents au premier abord, les deux garçons vont se côtoyer et apprendre à se comprendre l’un l’autre. Peut-être moins attachant que le couple de la série principale de l’autrice, cette douce relation n’en reste pas moins passionnante grâce aux thématiques qu’elle aborde. C’est d’autant plus vrai que la rencontre est dépeinte avec finesse : tant dans l’écriture que dans le dessin, il se dégage une aura poétique de ce manga décidément sublime.
Moving Forward de Nagamu Nanaji : Toujours souriante, Kuko est une lycéenne qui masque en réalité une blessure bien plus profonde : celle du décès de sa mère lors du grand tremblement de terre de Kobe. Pétillante et pleine d’entrain donc, elle se fait démasquer par un jeune peintre qui parvient à entrevoir son sourire de façade. Moving Forward est une série touchante sur la reconstruction et le rapport aux autres. La douceur de la narration de Nagamu Nanaji laisse place aux regards qui valent mieux que de longs discours, ainsi qu’à la description du quartier de Kobe dans lequel évoluent les personnages.
Un simple monde de Mari Yamazaki : Loin de la Rome Antique qui a fait son succès, l’autrice de Thermae Romae nous livre cette fois un manga plus intimiste. Récit choral dans lequel on voyage à travers six pays à la rencontre de gens qui s’aiment ou qui s’aimeront, Un simple monde brille par les sentiments qu’il explore. Mari Yamazaki nous fait connaître l’amour avec ses romances très réalistes mais pleines d’espoir. Elle en profite pour nous faire découvrir le monde par le biais des yeux de personnages qui sont très attachés à leurs terres. Une lecture agréable qui donne envie de sauter dans le premier avion venu, qu’importe la destination…

Kana, 3 tomes, en cours, 7,45€
Après la pluie de Jun Mayuzuki : Dans cette série, une lycéenne tombe amoureuse du patron qui tient le petit restaurant dans lequel elle travaille. Maladroit, un peu négligé et surtout âgé de 45 ans, l’homme mûr se laissant bercer par la vie ne comprend pas vraiment ce que la belle jeune fille lui trouve. Après la pluie est une romance qui aurait pu s’avérer étrange du fait de la différence d’âge mais qui brille au final par sa subtilité et sa saveur. Les sentiments purs de la petite Akira se croisent avec ceux d’un père divorcé qui vit une seconde jeunesse. Deux personnages attachants en somme, qui resplendissent grâce au travail de la dessinatrice et tout particulièrement à son découpage des cases à faire pâlir de jalousie les plus grands maîtres du manga.
Historique
Une femme de Showa d’Ikki Kajiwara et Kazuo Kamimura : Lorsque le scénariste d’Ashita no Joe et le dessinateur de Lady Snowblood s’associent, on peut s’attendre à un récit magistral. Le contrat est rempli tant Une femme de Showa emprunte les conditions de vie difficile du premier et la flamme de la vengeance du second. Cet éprouvant récit dramatique suit le périple d’une orpheline au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Les auteurs nous font découvrir un Japon violent et divisé sous les yeux d’une frange marginalisée de la population.
Pline de Mari Yamazaki et Miki Tori : Enfin de retour à la Rome antique après avoir connu le succès avec Thermae Romae, Mari Yamazaki s’allie à Miki Tori pour s’intéresser au personnage historique de Pline l’Ancien. On se retrouve avec un manga assez pointu sur le rédacteur de l’Histoire naturelle. On découvre un personnage fascinant et fasciné à travers ses curiosités pour absolument tout ce qui l’entoure. Si le contexte historique est important, on est avant tout subjugué par la beauté de cette Rome antique reconstituée à quatre mains.
Sous le ciel de Tokyo de Seiho Takizawa : Chroniques d’un couple japonais durant la Seconde Guerre Mondiale dont le mari est aviateur, ce manga est un incontournable pour tous les amoureux d’engins aériens. De la mécaniques aux batailles, tout est décrit avec précision par un auteur qu’on sait passionné par l’aviation. Mais le véritable intérêt du récit est de voir évoluer ce petit couple d’obstinés qui ne croient pas à la guerre durant cette période. Très vite la fiction prend le dessus sur l’Histoire, on s’attache aux personnages en souhaitant que l’ombre de la mort qui plane sur leur tête ne s’abatte pas sur eux…

Glénat, 1 tome, terminé, 10,75€
Le dernier envol du Papillon de Kan Takahama : Suivant la plus belle geisha du Japon, ce one shot nous plonge dans le quartier des plaisirs de Nagasaki durant l’ère Edo. Si ce thème a été abordé de façon magistrale à multiples reprises par des plumes féminines du Sakuran de Moyoco Anno aux Oreillers de Laque de Hinako Sugiura, Kan Takahama apporte ici sa pierre à l’édifice. Entre le rapport à la maladie et l’ouverture à l’étranger, elle dresse une chronique fascinante sur l’époque des samouraïs. En résulte une œuvre aussi envoûtante que palpitante marquée par un personnage féminin aussi doux que fort qui suscite l’admiration.
Érotique
Void de Ranmaru Zariya : Lorsque Maki reçoit un humanoïde ayant les données génétiques de l’homme qu’il a aimé, il cherche à se venger de la trahison de ce dernier. Pour cela, il lui fait subir d’horribles sévisses sexuelles proches du BDSM. En passant sa frustration sur Arata, il découvre alors toute la noirceur de son âme. Avec Void, Ranmaru Zariya signe une histoire de science-fiction très torride sublimée par la finesse de son trait et particulièrement son jeu sur les reflets. Mais l’intérêt n’est pas qu’érotique, le développement psychologique de Maki est au cœur du récit. Les failles de l’homme sombre et sadique se dévoilent, et c’est finalement en cela que Void s’impose comme une lecture aussi troublante que palpitante.
Tokyo, amour et libertés de Kan Takahama : Rencontre entre un écrivain de revues érotiques et une jeune modèle de nu dans le Tokyo des années 20. Kan Takahama conte une romance dans laquelle la sexualité a une place centrale. C’est dans un contexte historique et politique fort que ces gens qui vivent pour le désir sont perçus comme des marginaux. Les petites tranches de vie sont intéressantes à suivre tant elles ouvrent les portes d’un Japon qu’on n’a pas l’habitude de voir, néanmoins l’ouvrage trouve toute son ampleur dans sa sublime dernière ligne droite.
C’est comme ça de Jiro Ishikawa : Recueil d’histoires érotiques, grotesques et psychédéliques, le one shot de Jiro Ishikawa est une expérience unique en son genre. Si on trouve des récits absurdes comme les aventures de Chinkoman – un super-héros avec littéralement une tête de bite -, des sujets plus fins se cachent derrière les extravagances esthétiques de l’artiste. Critique du patriarcat et du monde de l’entreprise, message sur l’oppression des minorités ou encore plongée dans l’esprit d’un homme qui craint de finir clochard, les thèmes abordés dans les nouvelles sont bien plus graves que ne le suggère le ton volontairement décalé.

Hana yaoi, 2 tomes, en cours, 7,95€
La Cage de la Mante Religieuse de Psyche Delico : Œuvre à la fois troublante et sensuelle nous plongeant dans les affaires d’une famille après le décès du père, la série de Psyche Delico ne peut décidément pas laisser le lecteur de marbre. Tout débute lorsque Ikuro revient à la demeure et découvre l’existence de son frère qui vivait cloîtré dans une pièce de la résidence. Récit tortueux et empli de mystères, c’est cette ambiance glauque qui rend l’érotisme si efficace. Le tout est couplé avec le sublime du trait de l’artiste ; au niveau des personnages évidemment, mais aussi concernant les décors et vêtements d’époque contribuant à l’atmosphère pesante du manga.
Comédie
Gloutons & Dragons de Ryoko Kui : Quand ils explorent les donjons, comment les personnages de RPG se nourrissent-ils ? Cette question, Ryoko Kui n’a pas attendu Final Fantasy XV et les délicieux mets d’Ignis pour y répondre. Elle en a fait une comédie culinaire dans laquelle une troupe s’aventure dans un lieu peuplé de monstres à la cherche du dragon qui a avalé la sœur du protagoniste. L’humour de Gloutons & Dragons tient tant dans ses situations loufoques parodiant des jeux de rôle que dans les caractères de ses personnages. Lecture détente par excellence, la série se savoure si bien qu’on finit par s’attacher au petit groupe de héros sans même s’en rendre compte.
Mob Psycho 100 de One : Après le succès de One-Punch Man, One est de retour avec un nouveau gag manga. Problème, cette fois son œuvre n’est pas redessinée par Yusuke Murata. N’étant pas hermétique à son style maladroit qui me rappelle celui de Robin Nishi dans Mindgame, j’ai bien apprécié les aventures de l’ado doté de pouvoirs surpuissants. L’humour décalé et le message sur la jeunesse font mouche, mais ce qui marque vraiment avec Mob Psycho 100 est le côté enfantin de la série. Du dessin à l’histoire, on dirait que tout a été créé par un gosse de primaire. On accroche ou pas à ce délire régressif, en tout cas on est forcé de reconnaître qu’il en résulte un manga unique.
Hanada le garnement de Makoto Isshiki : Petit garçon pouvant voir les fantômes, Hanada se plaît à faire les 400 coups plutôt que les aider. Ses aventures, comme l’humour de la série, ne volent jamais bien haut. C’est très immature, voire même totalement stupide, mais il se dégage un charme particulier de ce titre. Déjà parce qu’il sait être touchant quand il le faut, avec ses histoires parfois dramatiques. Et ensuite pour sa représentation de la campagne japonaise qui se rapproche d’un manga aussi agréable que Barakamon. Au final, Hanada le garnement se consomme comme un grand bol d’air frais.

Kurokawa, 1 tome, en cours, 7,65€
Père Fouettard Corporation de Hikaru Nakamura : Après Les vacances de Jésus et Bouddha, la prêtresse du gag manga s’attaque au mythe du Père Noël. Enfin plus particulièrement de son pendant maléfique craint par les enfants : le Père Fouettard. Elle nous plonge en plein dans son atelier à travers l’arrivée d’un jeune qui y a été recruté de force. Elle tord les légendes et les redéfinit à sa sauce : c’est loufoque, grotesque, parfois glauque même… Mais c’est toujours aussi décalé et drôle. En ajoutant un véritable enjeu dans le récit et une nette progression de son trait, on obtient un nouvel immanquable pour tous les amoureux d’humour absurde.
Cette année 2017 a été décidément riche en nouvelles séries de qualité. J’espère que ce long guide vous aidera à vous repérer dans les sorties selon vos goûts et les types de mangas que vous recherchez. Moi, une fois n’est pas coutume, je me suis régalé au fil de mes lectures. C’est avec une immense joie que j’ai retrouvé Usamaru Furya en librairie, et c’est avec tout autant d’intérêt que j’ai pu suivre la carrière de Yoshitoki Oima. Je me suis émerveillé devant l’univers de L’Enfant et le Maudit, mon cœur s’est serré quand je me suis reconnu dans les jeunes déphasés de Tokyo Kaido, j’ai eu le souffle coupé devant les révélations de Fire Punch… Ce n’est donc pas cette année que l’immense plaisir que j’éprouve à lire des mangas va s’estomper. Ni la suivante, si j’en juge par la qualité des titres annoncés, de L’atelier des Sorciers à Happiness.
Je ne savais pas que Jun Mochizuki avait commencé une nouvelle série ! J’adore Pandora Hearts, autant pour les dessins que pour le scénario et je super curieuse de découvrir les mémoires de Vanitas. Je l’ajoute direct à ma wish-list :3
Je pense que tu ne seras pas déçue alors héhé
Une grosse sélection de bon titre que je suivrais volontiers si ma CB était extensible :)
Dans la liste j’ai quand même commencé Vanitas, Our Summer Holidays, March Come in like a Lion, Les Fleurs du Mal, le Chant des Souliers Rouge ou encore To Your Eternity.
Je pense que je me laisserais tenter par Cavale vers les Étoiles vu son format.
Merci ! Faut noter plus tard héhé. Je pense que Cavale vers les étoiles devrait sans mal te convaincre. C’est vraiment un titre fun et sans prise de tête, dans la lignée de ce que publie Sakka avec Area 51 et Deathco.
Je note, je note, mais j’essaye de me fixer une limite de 10 tomes/mois histoire de rester raisonnalbe ;)
« la série de Psyche Delico ne peut décidément pas laisser le lecteur de marbre. »
C’est ballot, pour un titre érotique XD
Excellent article, très intéressant ! Je te rejoins sur quelques titres (je n’en ai pas lu la plupart de ta sélection, donc je ne peux pas me prononcer sur eux). En te souhaitant d’aussi bonnes lectures pour 2018 !
Merci :)
Très bon article comme toujours ! J’ai lu très peu de ces titres mais je suis contente d’en retrouver certains dans tes petits tops ! Je me suis fait une liste des titres qui m’intéressent et je vais procéder à un tri entre ce que possède la médiathèque et ce que j’aimerais absolument m’acheter ! Merci pour ton article :)
Merci Tsumiki, hâte de voir quels titres tu liras sur ton fil twitter !
Our summer holiday faut pas le lire ça fout la déprime!
C’est ça qu’on aime !
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