Dernière nouveauté d’Akata, Kanon au bout du monde (ou « And he arrived at the Kanon ») est un seinen écrit et dessiné par Kyo Yoneshiro, fini en 5 tomes. Pour beaucoup, ce manga aura des airs de shôjo (je l’ai d’ailleurs trouvé au rayon shôjo), car comme indiqué en quatrième de couverture, la romance domine ce premier tome, avec de subtiles touches de science-fiction de temps en temps. Pas encore éprouvé de mélancolie, même si certains aspects du scénario devraient pouvoir insister sur ce ressenti à l’avenir.

Page d’ouverture du premier chapitre qui a servi pour l’annonce d’Akata.
On y suit Kanon, une stalkeuse amoureuse d’un gars depuis le lycée, et qui retrouve ce même gars 8 ans plus tard. Le « hasard » fait bien les choses. Sauf que ce n’est pas n’importe quel mec, c’est Sôsuke, parfait exemple du mec super bogosse populaire que l’on croise dans de nombreux shôjo. Depuis, il est devenu l’un des meilleurs soldats dans cette guerre contre des aliens gélatineux tentaculaires géants.
Car oui, en toile de fond, on nous informe qu’une invasion extra-terrestre s’est abattue sur la planète (enfin, et que depuis il pleut beaucoup). Les plus riches se sont réfugiés dans les profondeurs, tandis que le reste de l’humanité vit à la surface tant bien mal. Mais pas si mal que ça vu que le commerce continue : notre héroïne travaille dans une pâtisserie (donc pas de soucis à se procurer des matières premières). Le frère de Kanon se rend encore au lycée, signe qu’une vie normale semble possible. On voit beaucoup de décors un peu apocalyptiques, avec des immeubles en ruine, quelques scènes d’affrontements (peu détaillées d’ailleurs), des aperçus de ces masses informes d’inspiration Lovecraftienne (probablement ?), mais la menace des extra-terrestres ne semble pas vraiment réelle. Malgré un scénario qui pourrait laisser la part belle à des grosses scènes d’action style film catastrophe, ce n’est pas du tout le cas. Comme dans Dead Dead Demon’s Dededede Destruction, tout se passe comme si la vie reprenait le dessus, quoiqu’il arrive, malgré une apocalypse imminente.
L’autrice reste donc assez discrète sur les conséquences de cette invasion, sur l’état du reste du monde à la surface et les installations souterraines. On se concentre plutôt sur Kanon et son obsession malsaine : Sôsuke. On découvre ainsi le quotidien pas si paisible d’une jeune femme super timide mais aussi super dérangée. Cela dit, Sôsuke ne semble pas beaucoup mieux, puisque la moindre de ses apparitions possède un petit côté creepy, entre ses sourires ou ses sous-entendus. On apprend rapidement qu’après chaque grosses blessures au combat, ses « régénérations » entraînent des modifications plus ou moins anodines de sa personnalité. Un peu comme dans L’ère des Cristaux, ou chaque réparation de Phos altère sa mémoire. Du coup, Kanon s’aperçoit de ces changements, car ils sont aussi physiques (un grain de beauté notamment), et cela nous offre une scène assez intense autour d’un hamburger. Car même si Akata n’a pas mis le mot-clé « nourriture » en quatrième de couv’, c’est une particularité de cette oeuvre assez importante, puisque l’élément déclencheur de ce récit est lié à la pâtisserie et à l’amour de Sôsuke pour les gâteaux en tout genre (et au chocolat).

L’hamburger de la discorde.
Revenons-en aux changements subis par Sôsuke. Dans ce tome, on peut quasiment en dénombrer un par chapitre. A chaque fois, un léger détail. Mais si son apparence physique et sa personnalité sont modifiées, alors que valent vraiment ses engagements ou ses sentiments ? Et même, Kanon ? Pourra-t-elle aimer un homme qui change aussi souvent, imprévisiblement, contre son grès ? Qui sera peut-être, un jour, totalement différent du jeune homme qu’elle aimait au lycée, une décennie plus tôt ?
L’aspect un peu glauque de cet homme que je mentionnais au début vient autant de ces modifications que de son comportement envers la jeune femme (même si elle n’est pas non plus 100% saine elle non plus), avec sa drague un peu lourdingue. Alors qu’il est marié (c’est indiqué dans le résumé d’Akata, mais j’avais complètement oublié ce « détail » lors de ma première lecture). Bref, il est pas net. Et l’on n’a pas vraiment son ressenti sur les changements qui s’opèrent en lui de manière trop fréquentes, mais ceux-ci ne semblent pas le déranger outre mesure…
C’est donc un début très prometteur, qui introduit beaucoup de pistes pour la suite, et j’espère que certaines seront bien approfondies, car ce premier tome de Kanon au bout du monde est intrigant, mais encore trop nébuleux. Le récit peut prendre encore beaucoup de directions différentes… Par exemple rien n’est pour le moment dit sur les motivations de ces extra-terrestres, ou sur cette pluie incessante, mais peut-être que la suite se penchera plus sur ces étranges « gelées » ? J’ai beaucoup de questions, et j’ai également l’impression que celles-ci n’intéressent pas forcément l’autrice, et qu’elles resteront ainsi sans réponse…
Côté édition, j’aime beaucoup l’adaptation de la couverture, spécifiquement la composition du titre et son éparpillement, un peu chaotique. En plus de l’illustration, ça donne un certain cachet. Un peu bordélique, à l’image de cette héroïne. Comme d’habitude avec Akata, le produit « livre » est soigné. Mais, pour une fois, pas parfait : un bémol sur le lettrage avec un Ê qui n’est pas passé dans le chapitre 0. Sans oublier un détail qui m’a plus gêné sur la traduction, avec une expression peu courante qui revient genre 3 ou 4 fois, dans la bouche de différents personnages à différents moments : « bec sucré ». J’ai vraiment eu plus l’impression d’entendre la voix de la traductrice, une sorte de tic de langage, plutôt que les personnages eux-mêmes. Je pense qu’il y a d’autres façons plus variées d’exprimer l’idée que Sôsuke raffole des pâtisseries, qu’il aime les petites douceurs, qu’il a un penchant pour les sucreries, bref, qu’il est gourmand… Est-ce que dans la version originale, Kyo Yoneshiro emploie 4 fois la même expression ? J’en doute. C’est vraiment un détail, mais c’est d’autant plus dommage que le reste est nickel. En attendant, le volume 2 est prévu pour la fin du mois d’août, avec une telle fin de tome, on ne peut que avoir hâte.
Alors je l’ai juste survolé pour l’instant, et plus qu’à un shôjo, le manga me fait penser à Après la pluie et Raise wa Tanin ga Ii (à quand en France ???) pour le côté romance et Tokyo Alien Bros et DDDD pour le traitement de la SF. Et c’était assez charmant je dois bien avouer… Me reste plus qu’à le lire !
Je ne connais pas Raise wa Tanin machin, mais effectivement il y a des rapprochements possibles avec les autres cités.