Aller au cinéma le premier jour de la réouverture nationale a été un choix logique. J’aurais pu aller boire un café et vivre à la française dixit Bruno Le Maire ou même observer une manifestation policière désolante mais non. Mon urgence à moi était de retrouver une salle obscure, l’inconfort d’un siège pas assez large, être entouré de personnes bruyantes et devoir garder mon masque sur le visage pendant 1h27. Et pour fêter le retour d’un retour à une vie moins anormale, j’ai fais le choix de plonger dans le nouveau film d’Albert Dupontel.
Une nouvelle fois Albert Dupontel livre une fable moderne assez efficace. Son 7eme film n’est peut-être pas son meilleur selon la critique mais les multiples récompenses obtenues aux derniers Césars témoignent tout de même d’une certaine maîtrise.
Dans Adieu Les Cons, Suze est une femme qui a accouché sous X pendant son adolescence. Elle n’a jamais connu son enfant et vient d’apprendre qu’elle est atteinte d’une maladie pulmonaire dont elle ne se relèvera pas. Ce dernier choc va l’amener à vouloir retrouver le bébé qu’elle a abandonné (contre son grès) à la naissance et se confronter à un Everest administratif. Au cours de son enquête elle va « rencontrer » Jean Baptiste, en plein burn out après un échec professionnel et qui vient de rater son suicide.

Parmi tous les films d’Albert Dupontel, celui-ci est peut être le plus accessible, le moins « bordélique ». Mais on retrouve tout son cinéma, une photographie lumineuse et des décors froids qui contrastent avec la chaleur des personnages. Ici on ressent une nouvelle fois les références humoristiques et cinématographiques du réalisateur à savoir Les Monthy Python. Il leur rend hommage d’abord en dédiant le film à Terry Jones décédé en 2020, puis en faisant apparaître Terry Gilliam dans une publicité pour les armes à feu sur le site où Jean Baptiste va acheter son arme .
Très coloré, doux mais aussi violent et avec un humour grinçant, Adieu Les Cons possède un aspect cartoon fascinant. Pendant l’heure et demie qui défile à grande vitesse, Dupontel enchaîne les scènes loufoques qui déguisent un drame global. On trouve divers sujets sociétaux comme le mal être au travail, la filiation et ses enjeux, les violences policières ou encore le traitement des données personnelles. Il y a va aussi de sa petite remarque sur les villes qui avalent leurs citoyens ou le sexisme banalisé. Des thématiques qui peuvent faire sourciller et donner envie d’accuser Dupontel de boomerisme actif ou réactionnaire. Mais le traitement de ces sujets est habilement mené et à aucun moment le réalisateur appuie dessus lourdement. Il ne se positionne jamais en Père La Morale et c’est très agréable puisque cela ne nous détourne pas de l’histoire.
De plus, on ressent un amour profond du réalisateur pour ses personnages et le spectateur tombe également sous leur charme tantôt magnétique, tantôt maladroit. Aussitôt après les avoir maltraités, il vient les entourer d’un doux moment chargé en émotions, une petite pause dans une narration dynamique. Virginie Efira est une femme triste magnifique et Dupontel incarne un homme totalement largué, dépressif, qui s’attache à des détails inconséquents. Enfin, vient se greffer à eux le personnage de M. Blin, un archiviste aveugle, romantique interprété par Nicolas Marié césarisé en tant que meilleur second rôle. Il vient dynamiter le duo principal avec une énergie débordante.
En mélangeant tragédie et absurde, cynisme et ironie, Dupontel livre une histoire émouvante qui prend le temps de venir secouer le spectateur en douceur, avec élégance. Le cinéma c’est souvent ça en termes d’émotions. Et on est très content de le retrouver.