2022 en 42 chansons

La rétrospective 2022 continue après la sélection manga de Meloku par la sélection musicale de Kevo42. En 2020 et 2021, les artistes ont profité de l’épidémie de la COVID pour passer du temps en studio et broyer du noir, deux conditions nécessaires à l’élaborations de très bons disques comme on va le voir. Un article avec une playlist de 2h30 pour tout rattraper de l’année.

J’avais commencé l’année dernière avec l’aide précieuse de Ludo et El Tooms à vous parler toutes les semaines des sorties musicales. Et puis, patatra, après la rétro 2021 des critiques, je n’ai plus réussi à rien publier. Ce n’était pas parce que je ne suivais plus l’actualité musicale. Je crois que c’est parce que je la suivais de trop près. J’ai essayé toutes les semaines d’alimenter un tableau excel avec les nouveautés repérées par une dizaine de magazines et sites, et de compiler ces sorties dans des playlists spotify et youtube. Chaque playlist comporte une centaine d’albums pour une dizaine d’heure d’écoute. Rien d’effrayant si écrire est son métier, mais ce n’est pas le mien. Alors que j’ai pris des responsabilités professionnelles très prenantes cette année, et que j’ai navigué entre pression écrasante et envie de m’en sortir dans un contexte pas facile, l’idée de pouvoir tenir ma rubrique s’est éloignée petit à petit, et je me suis contenté d’écouter sans écrire.

Tristesse.

Mais, comme le dit Metronomy dans le morceau que vous trouverez dans cette playlist, c’est si bon de revenir. Plutôt que de faire un panorama de l’année, genre par genre, j’ai essayé de faire une playlist grossièrement découpée en ambiances musicales, faites de titres qui m’ont particulièrement marqué. Je n’ai pas la prétention d’avoir tout écouté, et je sais être passé à côté d’énormément de choses. Pire, je sais que j’ai écouté d’une oreille distraite des titres qui dans un autre contexte m’auraient particulièrement plu.
J’espère vous proposer un panorama aussi complet que possible, tout en sachant que ce que vous écouterez ici n’est que le reflet de ma propre consommation musicale. Comme l’indiquait Kant avant même les rétrospectives Spotify, les jugements de goût ont vocation à être universels tout en s’ancrant dans notre personnalité même. L’important dans la vie, c’est de continuer de danser.

La playlist spotify

La playlist youtube

Pistes 1 à 6 : on commence en douceur : le son pop-folk

On commence cette playlist avec l’anglaise Katy J. Pearson et le très pastoral Sound of the morning, tout en trompette. En concert le groupe semble vraiment s’amuser. Tout le monde a le sourire. C’est sûrement pour cela que le disque est aussi réussi. Il s’agit d’un album calme, mais réalisé par des gens optimistes et pleins d’énergie. Une énergie absolument opposée à celle de Nathalie Mering, plus connue sous son nom artistique de Weyes Blood. Suite de Titanic Rising, And in the darkness, hearts aglow est un album qui parle d’une manière très belle et sophistiquée de tout ce qui est sombre dans le monde, à l’image du clip de It’s not just me, it’s everybody, où elle danse au milieu des cadavres. La danse est aussi au cœur du clip de Free de Florence and the machine, avec une vraie première montée d’énergie, Florence Welch courant aux côtés de Bill Nighy pour exprimer la liberté que lui procure la musique. Un peu comme Calogero, mais pas cringe. Du côté de Metronomy, tout va bien, on danse à la queue leu leu pour exprimer cette joie molle qui est au cœur de leur musique. Cela fait quelques temps que Joseph Mount n’a pas fait de grand album, mais cette musique est tellement facile à écouter en toute circonstance, qu’il en reste toujours quelque chose, comme un chewing gum collé au fond du cerveau.

Je dis ça de manière positive.

Autre stagnation dans le très bon, Arctic monkeys a décidé de rester un album de plus dans l’espèce de lounge seventies initiée sur Tranquility base hotel casino avec The car. Enfin, on termine ce démarrage en douceur avec While you wait de Widowspeak, et son clip en caméra flottante et floue. On connaît le style, un peu de Beth Orton, un peu de Mazzy Starr, un peu d’Elysian Fields, une voix un peu éraillée, une guitare plus dans l’ambiance que dans la mélodie, et c’est parti pour l’aventure du doux danger, de la dernière séduction façon Linda Fiorentino.

Pistes 7 à 11 : on s’énerve un peu mais avec une certaine tristesse : la revanche du post-post-post-punk

Le constat était sans appel lors de la revue de presse de l’année dernière : le post punk est le nouveau grunge. Une catégorie suffisamment fourre-tout pour que l’on y mette un peu n’importe quoi, du moment qu’il y a des guitares et de la douleur ancienne. Cette année, les groupes de l’année dernière sont venus confirmer qu’ils étaient là pour rester : Black country, new road, Fontaines D.C., Dry cleaning ont sorti d’excellents albums, qui prolongent sans se répéter leurs précédents. Mention spéciale à Black Country, new road qui a réussi le double exploit de s’auto saborder et de sortir le meilleur album d’Arcade fire l’année de la sortie de We. S’auto-saborder car le chanteur Isaac Wood a quitté le groupe quatre jours avant la sortie du magnifique Ants from up there. En conséquence, le groupe a décidé de ne chanter que des nouvelles chansons sur scène. En même temps, le groupe regorge de talents comme en témoigne le side-project Jockstrap de la violoniste Georgia Ellery, que l’on a retrouvé dans de nombreux tops de cette année. Et meilleur album d’arcade fire car avec son mélange d’orchestration et de rock, on retrouve un peu le frisson de funeral. On aime bien ça, et au moins ici, pas d’histoire de harcèlement sexuel, enfin pas encore.


Et si l’album de l’année datait de 2017 ? Curieuse histoire que celle d’Après c’est gobelet, l’album de Gwendoline, sorti en autoproduit il y a 5 ans, et à force de bouche à oreille disponible partout à partir de 2022. La schlagwave du groupe rennais mélange mauvais esprit, dépression, alcoolisme et refrains imparabables, comme dans ce du lundi au vendredi. Sortir de son lit, on ne sait pas faire, mais écrire des tubes oui.


On conclut cette partie de la playlist avec The smile parce que ce n’est pas au vieux Thom Yorke que l’on va apprendre la musique triste. On ne sait pas trop si on est plus proche de Radiohead (vu la personne de Johnny Greenwood), d’un projet solo, ou juste d’une collaboration entre musiciens extrêmement talentueux (aux deux compères de Radiohead s’ajoute le batteur de Sons of Kemet), mais on s’en fiche, parce que c’est très bien.

Pistes 12 à 17 : Les grosses guitares, mais dans une ambiance conviviale

Imaginez que vous enregistriez un single avec votre meilleure amie, et soudain vous devenez le groupe du renouveau du rock indé. C’est exactement ce qui est arrivé à Wet leg après la sortie de Chaise longue. La pression était donc forte pour la sortie de leur premier album, pour un résultat parfaitement à la hauteur des espérances, le disque étant pratiquement uniquement composé de tubes comme ce Oh no. Morceau d’ouverture du deuxième album de Sorry, Let the lights on ressemble un peu à un mélange de The kills et Blood red shoes. Le reste de l’album est beaucoup plus calme mais montre le potentiel de ce jeune groupe anglais. Autre groupe sorti de nulle part, The beths n’est pas ultra glamour, mais enchaîne les morceaux power pop comme si on était dans les années 90. Today and tomorrow est l’un des six albums sortis par le collectif Sault en 2022, dont 5 le même jour. Je ne vais pas vous faire croire que j’ai tout écouté, mais j’aime beaucoup ce Money qui semble avoir été enregistré en 10 minutes dans une cave londonienne, ce qui n’est vraisemblablement pas qu’une impression. Beaucoup plus produit, Totally fine de Pup semble montrer que le groupe ambitionne de remplir des zéniths pour que tout le monde soit vraiment bien au courant de la dépression de son chanteur. Un beau projet. On termine cette partie avec le retour en forme et après des années d’absence des Yeah Yeah Yeahs, ici en collaboration avec Perfume genius. Spitting off the edge of the world est un morceau majestueux. Je suis vraiment content de ce retour.

Pistes 18 à 31 : Cool sur la basse

Plusieurs retours de groupe et artistes qui n’avaient rien publié depuis longtemps. Animal collective, Warpaint, The mars Volta, Les Red Hot Chili Peppers,April March, Ibeyi et SZA sont revenus avec de très bons disques parfois très éloignés du son qu’on leur connaît. Warpaint plus cool que cool, les voir en concert a été un des moments forts de l’année 2022. The mars volta a surpris tout le monde en revenant avec un son plus détendu, plus direct et moins progrock. April March propose un album orchestral et festif, porté par la batterie de Tony Allen et des arrangements inventifs. Animal collective signent leur album le plus inventif et écoutable depuis longtemps. L’album d’Ibeyi est dans la directe lignée des précédents, ce qui n’est pas un reproche, et ce featuring de Pa Salieu s’accorde très bien aux voix des sœurs Diaz. Les Red hot chili peppers ont fêté le retour de John Frusciante en sortant deux disques de bong da bong patapatapapa, mais avec la guitare mélancolique. Preuve que le bodybuilding n’empêche pas les émotions. J’ai très peu écouté le SZA mais j’ai confiance en sa qualité, raison pour laquelle je l’ai intégré à la liste.


Quelques découvertes cette année aussi, avec Rosalia que les initiés connaissaient déjà, mais qui est devenue en 2022 une star incontournable. Steve Lacy du groupe The internet a fait un album plus smooth que smooth. La bande son de Nope nous a fait découvrir la carrière malheureusement courte dans la chanson de Jodie Foster, avec un single fou enregistré pour le film moi, Fleur bleue. Un film très français des années 70, avec une romance pédophile avec Bernard Giraudeau, Jean Yanne en dragueur de rue, et un final en hommage aux routiers sont sympas. Disons que cela n’a pas très bien vieilli, sauf si vous écrivez pour Nanarland.


Deux tubes avec deux manières différentes de faire groover la basse : Lizzo avec About damn time, et Hot Chip avec Down. About damn time, c’est le son pop par excellence, le morceau qui colle dans la tête, que l’on aura dans toutes les soirées comme Happy de Pharell Williams, et dont on sera bientôt dégoûté. Down devrait avoir le même destin, mais Hot chip est un groupe pour connaisseurs, sur lequel seuls les geeks dansent. Petite différence de 590 millions d’écoute sur spotify entre les deux morceaux, mais je les aime tout autant.


Deux morceaux de rap pour terminer. Sur Dreamin’ of the past, Pusha T fait équipe avec Kanye West. Ye a vécu largement assez vieux pour devenir le méchant, à tel point que je ne sais pas trop si l’on peut encore recommander sa musique. Aussi problématique que soit tout ce qu’il touche, l’album de Pusha T est très réussi et ce morceau un banger. On termine avec Kendrick Lamar et The heart part 5. Le morceau n’est pas directement sur Mr. Morale & the big steppers, mais avec son flow de malade, son clip impressionnant et le sample de Marvin Gaye, impossible de ne pas le mettre dans la playlist. Comme d’habitude très bon album par ailleurs, même si le mode de consommation assez superficiel de la musique que j’ai adopté ne rend pas service à un disque aussi dense au niveau musical et thématique.

Pistes 32 à 38 – Il est temps de vider le dance-floor avec du métal

Toutes ces sucreries musicales vous ont mis trop à l’aise ? Il est temps de mettre un peu de grosse guitare dans vos oreilles. Je n’ai pas écouté énormément de métal cette année. J’ai jeté une oreille curieuse mais rapide aux nouveaux Machine Head, Slipknot ou autre Soulfly. Il y a souvent quelque chose qui ne me plaît pas dans la voix de la jeune génération métal ou hardcore ou les deux, comme Rolo Tomassi, the callous daoboys ou Soulglo (album de l’année de Brooklyn Vegan). Enfin, je ne suis pas particulièrement sensible au renouveau du heavy ni du death metal.


Résultat, les quelques morceaux qui arrachent de cette année ont une forte connotation noise. Chat Pile a proposé un album assez novateur dans le genre, avec des arrangements impressionnants. Meat wave est moins inventif mais plus direct. Quant à Die Nerven, leur style a évolué pour devenir très personnel, quelque chose qui partirait de la noise mais qui irait vers le rock voire la pop.


En 2022, on a aussi vu Cave-In continuer avec le bassiste de Converge à la place de Caleb Schofield, et Botch se réunir le temps d’une chanson. Ce n’est pas leur meilleur morceau, mais j’ai une telle nostalgie pour ce groupe que je ne pouvais pas ne pas le mettre dans cette liste.


Enfin j’ai placé Carpenter Brut dans cette section (avec deux morceaux, mais que je considère comme un seul), parce qu’il est écouté par des métalleux, et surtout parce qu’il y a de la grosse guitare et de la double pédale de batterie. Dans Leather terror comme dans leather teeth, je suis bien plus fan des morceaux instrumentaux qui envoient, que des chansons loin d’être inoubliables. Je comprends pourquoi Carpenter brut essaie d’aller dans cette direction, mais ce n’est pas franchement là que je l’attends.

Piste 39 à 43 – Vous écoutez toujours ? Bienvenue chez les zarbis

Quelques morceaux qui sortent de la norme pour les courageux qui restent jusqu’au bout de ces 2h32 de musique.


Cela fait treize ans que je pense qu’Arlt est le futur de la chanson française, bien que le groupe stagne à des chiffres d’écoute sur spotify totalement négligeables. Plutôt que de chercher à se normaliser, le duo multiplie les collaborations pour rajouter ici un son bizarre, là un autre dissonant, au service de paroles toujours aussi simples, punchy et cryptiques. Je ne sais pas s’ils sont mon groupe préféré, mais poètes préférés sans aucun doute.


Quatre instrumentaux ensuite, très différents les uns des autres. Domi et J.D. Beck est un duo très jeune de jazz piano batterie portés par une hype basée sur leur amitié avec de grands noms du funk et jazz, comme Anderson Paak, Thundercat ou Herbie Hancock. Leur univers est coloré et doux, mélange du piano très relax de Domi et de la batterie drum and bass impressionnante de J.D. Beck. Leur musique est cool, mais jamais facile. Beaucoup plus pop est le groupe anglais Los Bitchos. Connues au départ pour être produite par Alex Kapranos de Franz Ferdinand, leur son instrumental puise à des influences diverses et mondiales. Même sans paroles, les mélodies restent dans la tête, pour en faire les plus improbables tubes de l’année. Sarkozy de Dombrance est un autre « tube » improbable. L’album concept République électronique est une célébration électronique et dansante de la cinquième république. De quoi étonner vos amis lors de leur prochaine visite. On termine avec un morceau de Labelle, qui d’après Wikipedia est un compositeur de maloya électronique. Sur Eclat, ses compositions électro sont accompagnées par un quatuor de cordes, pour une musique instrumentale belle et originale.

On en termine ainsi pour 2022. Il y a bien sûr bien d’autres disques à découvrir, et si j’ai le temps, je vous ferai aussi la revue de presse des albums de l’année. J’ai essayé d’être le plus court possible, malgré la grande taille de cet article. Si vous voulez mon top personnel, je pense que ce serait quelque chose comme


1 – Black country, new road – Ant from up there
2 – Katy J. Pearson – Sound of the morning
3 – Steve Lacy – Gemini Rights
4 – Gwendoline – Après c’est gobelet
5 – Wet leg – Wet leg.

N’hésitez pas à lister vos découvertes en commentaire, que ce soit ici ou sur twitter. Vous pouvez suivre l’actualité musicale toute l’année via les playlists que je partage sur spotify et youtube, et via le tableau sur drive.

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