Inspiré par la nouvelle rubrique de Meloku, à mon tour de revenir sur les sorties de janvier, mais musicales.
Comme on aime tricher, j’ai 10 singles et albums, plus des bandes son, plus quelques suggestions supplémentaires. Janvier est normalement un mois des plus calmes. Les achats de Noël sont passés, les critiques musicaux en vacances après avoir multiplié les tops annuels. Malgré tout, il n’a pas été évident de ne garder que dix titres, tant l’actualité est déjà dense.

On aimerait déjà être plus tard : premiers singles de gros albums
Boygenius – The record (premiers singles)
Plus fortes que les To Be 3, Julien Baker, Lucy Dacus et Phoebe Bridgers, réunies dans Boygenius, composent le groupe de folk indé féminine ultime. Les trois compositrices amènent leur univers, ce qui explique la diversité des morceaux. Pour autant les voix et les influences se complètent, pour créer un univers inédit, et former l’un des rare all star band à la hauteur des personnes qui le composent. Le premier vrai album du groupe sortira le 31 mars. Ces premiers morceaux sont très prometteurs.
Everything but the girl – Nothing Left to Lose
Qui attend quoi que ce soit d’Everything but the girl en 2023, vingt-quatre ans après leur dernier album, et presque trente ans après leur tube immortel Missing ? Personne, et pourtant ce premier single du nouvel album, nous replonge immédiatement dans cet univers électronique et mélancolique. La voix de Tracy Thorn a changé, nous aussi, mais les sentiments demeurent.
L’album du mois
AGAR AGAR – Player Non Player
Ce n’est pas la première fois que je croise le nom d’Agar agar, mais j’ai toujours eu du mal à prendre le groupe au sérieux à cause de sa proximité de nom avec le twitter name de Louis Ferdinand Sebum de Canard PC (AKA AGAR), rédacteur que j’apprécie par ailleurs beaucoup.
Autant dire que la surprise fut particulièrement bonne bien que limitée par la sélection en tant qu’album de la semaine par Magic.
Musicalement, le disque me fait penser à Audiobooks dont j’ai adoré le dernier album Astro tough. De la musique électronique joyeuse à base de boîte à rythme, avec une voix féminine boudeuse, à la limite de l’electroclash, à la limite du cheap (à l’image de cette pochette tout droit sortie d’Unreal tournament), mais toujours efficace, dansante et touchante.
C’est cool.
Boum boum le gros son
Iggy pop – Every loser
Iggy Pop est un bon gars. On l’appelle et il est là. Vendre des guitares sur le bon coin, participer à un documentaire avec Michel Houellebecq, enregistrer un album avec le violoncelle de Catherine Graindorge, aucun problème. Enregistrer un album avec Josh Homme, puis faire un album jazzy avec de la poésie et de la trompette, aucun problème. Mais de temps en temps, Iggy a envie de revenir au gros son, de faire bouger ses vieux os. Alors il appelle les vieux copains Duff McKagan de Guns and roses, Chad Smith des Red hot chili peppers, ou Dave Navarro de Jane’s addiction, pour un son étrangement nostalgique. Car c’est au Iggy pop de la fin 80 / début 90 que l’on pense, le Iggy de American Caesar ou Naughty little doggie, celui d’un rock qui envoie, mais pas si méchant non plus, et qui fait un peu vieux. Ce n’est ni désagréable, ni long et même très bien pour commencer l’année, mais je ne vous promets pas que le disque restera parmi ses plus mémorables.
XL Life – The Boogie Down South
En début d’année, la vie est dure. Quelques semaines et déjà les premières bonnes résolutions trahies. Il fait froid, tout le monde se plaint sur twitter, et on sait très vite que cette année ne sera pas meilleure que la précédente. Alors, il nous faut de l’énergie et c’est que propose the XL life. La vie en grand, cela commence par un drôle de morceau smooth jazz qui donne l’impression que Spotify a encore mélangé deux groupes au même nom. Mais très vite, on rentre dans le vif du sujet avec du hardcore po po po po façon Turnstile, pas aussi frais, pas aussi bien enregistré, pas aussi tubesque, mais quand même le boulot est bien fait. Plus motivant qu’un discours de Tibo in shape, voilà le disque qui va vous donner envie de vous bouger.
Un peu plus de subtilité
The murder capital – Gigi’s recovery
Comme je l’écrivais dans la retro 2022, nous sommes dans l’ère du post post post punk. Une nouvelle génération de chanteurs à guitare portant leur douleur ancienne en étendard, avec plus ou moins de révolte ou de résignation contrite. Vu à Strasbourg en ce début d’année, je peux vous dire que le chanteur de the murder capital a bien appris son rôle : la belle voix grave, les regards soutenus sur la foule, les petits pleurs en fin d’un morceau parce que vous comprenez c’est l’émotion, et quand on s’énerve un peu je saute sur les gens parce que c’est le rock and roll.
Clairement the murder capital ne joue pas forcément en première division du genre musical. Il s’agit typiquement d’un groupe à l’image de ceux des années 60 déterrés par les compilations nuggets. Dans 30 ans, on réécoutera cet album, et on se demandera pourquoi le groupe n’était pas plus hype, car tout y est bien fait : l’ambiance sombre, la voix, les guitares acrobatiques ou tranchantes.
A l’image de Ronsard qui aurait mangé avec Baudelaire, je vous dirais donc de cueillir dès à présent les fleurs du mal de the murder capital.
Gaz Coombes – Turn the car around
Gaz Coombes est un nom qui ne vous dit peut-être rien. Si je vous dis qu’il jouait dans Supergrass et que vous avez plus de quarante ans, alors sûrement une lumière est maintenant allumée dans votre cerveau.
Ce n’est pas au (pas si) vieux (en fait) britpoper que l’on apprend la grimace. Turn the car around est un excellent album de pop, subtilement orchestré, bien produit, élégant et émouvant. Oui, les grandes années sont passées. Dans le clip on le voit jouer dans une salle un peu petite et moins prestigieuse. Pourtant, Gaz Coombes continue à surprendre en humble artisan de chouettes mélodies.
Rozi Plain – Prize
La folk, on connaît. Il y a les notes. Il y a aussi le silence entre les notes, qui est aussi important. Il y a la voix, qui doit porter la mélodie tout en laissant apparaître sa fragilité. Les arrangements y sont subtils, simples et pourtant ouverts aux expérimentations instrumentales.
Rozi Plain fait très bien tout cela. On pense un peu à Big thief, à Stina Nordenstam, aux Kings of convenience, ou à Emiliana Torrini. Deux salles deux ambiances par rapport à Iggy Pop et XL life, mais la musique c’est comme les mangas. Des fois on a envie de gros shonen bourrins où tout explose, et des fois on veut juste la subtilité d’un bon josei.
Nicolas Godin – Fire of love
Je l’avoue, j’ai un peu lâché ce que font Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel de Air. Ils n’ont ni jamais vraiment changé de style, ni vraiment ralentis, mais à l’image des films de Sofia Coppola, ils sont devenus un peu moins beaux, un peu moins innovants et appliqués, pour devenir une sorte de musique de fond, pas désagréable, mais loin de la gloire des premiers symptômes.
Fire of love est la bande son du documentaire de Sara Dosa, construit à partir des films du couple de vulcanologues Katia et Maurice Kraft. Elle raconte la belle histoire d’amour tragique entre un homme, une femme, et de la roche en fusion. Les images sont folles mais aussi poétiques. Autant dire qu’il s’agit d’un matériau parfait pour Nicolas Godin qui retrouve la poésie psychédélique de Moon safari et Virgin suicides.
On ne va pas parler de réinvention, même si le disque ne sonne jamais comme une redite. Il s’agit plutôt d’un retour en forme, et une vraie belle surprise.
Tout finit par la nuit
Boldy James – Indiana Jones
Boldy James est un rappeur productif. 5 albums en 2020, 2 en 2021, 4 en 2022, et l’année commence à peine qu’en voilà un nouveau. A regarder les statistiques Spotify, il est aussi un rappeur plutôt populaire, avec 2 millions de fans par mois, ce n’est pas rien. Pourtant, et peut-être parce que je ne suis pas les personnes, je n’ai pas l’impression que l’on parle tant de lui.
C’est que Boldy James n’est pas le genre de rappeur qui risque d’illuminer la mi-temps du superbowl. Son rap est très sombre, un peu old school, la voix grave, les rythmes lents. On écoute cela la clope au bec, prêt à arpenter le bitume, tel Vincent Macaigne dans médecin de nuit, mais en encore plus gangsta.
Et pour quelques albums de plus
A écouter aussi ce mois-ci : la bande son d’Industries of titan de Danny Baranowski. Un jeu de gestion / citybuilder cyberpunk apparemment pas génial, mais on peut compter sur le compositeur de the binding of Isaac et Crypt of the necrodancer pour proposer de belles ambiances. Inspiré par le genre, il propose 1h36 d’ambiant synth-wave, quelque part entre Carpenter brut et la bande son de Blade runner par Vangelis.
En octobre 2022, Ubisoft a conclu un partenariat avec la marque de voiture Cupra pour proposer de nouveaux circuits de Trackmania. Tout ceci me paraît bien exotique à vrai dire, ayant joué à peu près 5 minutes en tout dans ma vie au jeu de Nadéo et n’ayant jamais entendu parler de ce constructeur. Je connais par contre bien la discographie de M|O|O|N qui signe 4 titres inédits pour l’occasion. Connu pour ses pistes hypnotiques qui ont rythmé les tueries de Hotline Miami, il est ici dans un style plus proche de la jungle du début des années 2000, ce qui, on le sait depuis Wipe Out, est bien sûr la meilleure musique pour ce type de jeu.
A écouter aussi, la bande son d’En place parce qu’ici on aime bien Christophe Chassol.
Si vous en voulez toujours plus, je vous conseille aussi d’écouter le dernier album de The subways, de la power pop étonnamment efficace, Fruit mûr de Claire Redor que je n’ai pas assez écouté, mais Magic dit que dans le genre chanson française bizarre, c’est top, Alice Lewis qui propose un conte musical étonnant, et enfin Abdullah Miniawy, Peter Corser, Karsten Hochapfel et Erik Truffaz qui avec Le cri du Caire proposent l’Ovni de la semaine. A la fois chanson en arabe, avec de la voix qui envoie et jazz à base de trompette et violoncelle, ce n’est pas du tout ce que l’on a en tête quand on pense à la musique égyptienne. En même temps, j’avoue ne pas avoir toutes les références non plus dans le genre. A découvrir.
Pour quelques heures de musique supplémentaires
Afin d’éviter le surplus d’information, j’ai un peu réduit ma veille musicale hebdomadaire. Les albums présentés ici me sont parvenus aux oreilles grâces aux magazines de pop français Magic et les Inrockuptibles. Brooklyn Vegan pour les Etats-Unis et Visions pour l’Allemagne sont là pour amener d’autres tonalités, parfois plus métalliques ou rock’n’roll. J’ai gardé Remezcla pour la musique latino-américaine, Pan african Music pour la musique africaine, Cinézik pour la musique de films et Resmusica pour la musique classique.
Vous pouvez retrouver le résultat sur Spotify en vous abonnant à mon profil, sur youtube quand je trouve le temps, et dans un tableau excel où vous pouvez filtrer par genre et par revue si vous le souhaitez.
La playlist du mois de janvier dure 30h pour plus de 500 titres, plus besoin d’écouter la radio, c’est merveilleux, et on y découvre toujours de nouvelles choses.