Adieu Eri – Amour, résurrection, éternité

L’envie d’écrire ce texte vient de ma frustration de lire dans les retours d’Adieu Eri de Tatsuki Fujimoto qu’il serait quelque chose comme un « vibrant hommage au cinéma ». Pour moi, cela ne veut rien dire. Je ne dis pas que c’est un non-sens ou que c’est faux mais tout simplement que ce genre d’éloge est devenu si générique que je suis bien incapable de comprendre ce qu’il est censé signifier. Le mot part certainement d’un bon sentiment ou d’une nécessité de ne pas dévoiler l’intrigue mais ce n’est vraiment pas rendre justice à un manga aussi sophistiqué qu’Adieu Eri.

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Banana Fish et les Neiges du Kilimandjaro : la dernière gloire des damnés

Banana Fish. Impossible de ne pas être intrigué par un nom pareil. Un nom aussi unique et inoubliable que le manga culte d’Akimi Yoshida. Paru il y a plus de trente ans dans le Bessatsu Shojo Comic de 1985 à 1994, il rencontre un engouement qui n’a jamais véritablement faibli. Ainsi en 2018, le manga a eu droit à une adaptation animée et actualisée par les Studio Mappa et en 2021, Panini Manga relance le titre dans une Perfect Edition en double volume, permettant à la jeune génération de découvrir l’un des mangas les plus importants des années 90.

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Rêveries sur l’herbe dans l’Ere des cristaux

L’Ere des cristaux, Haruko Ichikawa
(publié en français chez Glénat)

Il n’est pas exagéré de dire que L’Ere des cristaux d’Haruko Ichikawa est l’un des mangas les plus séduisants et fascinants qui se publie actuellement. Ayant fortement gagné en popularité grâce son excellente adaptation animée par les Studios Orange, il est parvenu à gagner la fidélité de fans du monde entier. Il faut dire que l’œuvre a de quoi exercer une mystérieuse attraction. D’une qualité presque expérimentale, tant graphiquement que narrativement, nourri de l’influence du bouddhisme, L’Ere des cristaux brasse audacieusement les genres en y apportant un souffle d’une fraîcheur rare. Manga de science-fiction, récit initiatique dans un univers post-apocalyptique, conte philosophique et métaphysique, exploration poussée des profondeurs psychologiques, une chose est certaine : il est unique. L’Ere des cristaux est une vraie machine à produire de l’exégèse – théories, spéculations, prédictions, analyses de toutes sortes. Son univers est si singulier et si original qu’il est possible de noircir des pages sur le moindre sujet, ce qui est absolument réjouissant. Il est une porte ouverte pour la pensée, l’imagination et l’émotion. Beaucoup d’écrits très intéressants ont été déjà produits (vous pouvez en trouver sur ce blog même !). Pour ma part, je me dois dès à présent vous avertir qu’il ne faut pas s’attendre ici à quelque réflexion profonde et révolutionnaire sur l’œuvre, je n’en ai pas l’ambition. A la place, je vous propose d’explorer dans les deux premières pages du manga un élément graphique qui m’a toujours obsédée et auquel je souhaite consacrer toute mon attention.

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River’s Edge ou les Contes cruels de la jeunesse

« On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans » a écrit Rimbaud pour parodier le romantisme niais qui frappe souvent cet âge fantasmé qu’est l’adolescence. Dans River’s Edge de Kyoko Okazaki, on ne peut donner plus tort à cet adage. Ici nulle trace d’insouciance, de légèreté ou d’ironie. La flottante ivresse rimbaldienne cède la place à une matière noire et visqueuse qui est celle de l’ennui et du vide. C’est que dans ce manga polyphonique, on est bien trop grave, bien trop sérieux dans la superficialité même. Les protagonistes de cette histoire sont des adolescents plein de contradictions, déjà malmenés par la vie, qui semblent avoir grandi trop vite, et qui se sont rendus compte qu’il n’y avait rien après, sinon directement la mort. Sous le signe du banal et du sordide, la manga nous fait l’anatomie d’une jeunesse sans illusions engagée dans le chemin tortueux de l’autodestruction. Pourtant dans cette violente descente aux enfers, Kyoko Okazaki arrive à faire que, malgré tout, l’on puisse s’attacher à ces personnages qui nous bouleversent dans leur cruauté comme dans leur désespoir.

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Le Monde selon Setchan : Une Parenthèse désenchantée

Une fille qui ne veut d’autre contact humain que le sexe, parce qu’on n’est pas obligé de dire « désolé » ou « merci », parce qu’on peut voir l’autre en train de suer, baver, haleter, un peu comme un animal. Un garçon dans la voie de la normalité : Il est doué, sociable, a un petit job, une petite copine, son chemin semble tout tracé. Setchan et Akkun. Tout les oppose mais en vérité, ils sont de la même espèce, celle des lucides, des lunatiques, trop insensibles pour s’engager dans les tumultes du monde. Aller à contre-courant alors que tout pousse à choisir un camp, autrement dit ne rien faire, se mettre sur le côté et attendre que ça passe, et peu importe ce qui se passe, on se retrouvera toujours avec un cadavre sur la route, telle est la seule vérité.

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