Quand le BL s’engouffre dans l’horreur

Si au départ, j’ai voulu écrire sur l’horreur, j’ai tout de suite remarqué que j’oscillais entre description d’ambiance et sentiment de folie. L’horreur joue avant tout avec nos émotions et nos sensations, qu’elle soit immédiatement comprise par les lecteurs ou plutôt implicite, et que ce n’est qu’une fois l’œuvre refermée que les images les plus marquantes naviguent dans notre esprit dans un frisson glauque.

Peut-être que toutes les œuvres choisies ne pourraient être classées dans le genre horrifique et cependant, celles là ont un point commun: la perception de désespoir et l’impuissance, des protagonistes, mais aussi des lecteurs. L’empathie est grande, avec les héros dont nous suivons les aventures, et cette sensation d’être piégés avec eux dans les situations les plus retorses et inextricables est d’autant plus éprouvante.

Il s’agit donc, encore et toujours, d’écrire sur l’esprit humain qui perd pied et nous entraine dans sa chute. Dans cette sélection de 9 mangas, j’ai tenté de voyager dans ce qui pouvait être le boy’s love le plus sombre ou le plus délicieusement gore, dont certains ont planté un décor digne de Lovecraft.

La mort est tapie dans les nuages

La peur rôde dans la nuit

Car les morts dans leurs suaires

Saluent la fuite précipitée du soleil

(Howard Phillips Lovecraft, extrait de L’horreur de Yulé, 1926)

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10 mangas qui ont marqué ces 10 dernières années

En ce 3 mars 2022, Nostroblog souffle déjà ses neuvièmes bougies. Afin de célébrer cet anniversaire comme il se doit, j’ai décidé que le blog allait fêter ses 9 ans en mangas. Pour l’occasion, j’ai concocté une liste allant de 2012 à 2021 et désignant mon manga préféré de chaque année, ou du moins une série qui m’a énormément marqué. Voici donc un catalogue de mangas que j’ai adorés et qui ont de ce fait imprégné l’histoire de Nostroblog par répercussion, en espérant que l’envie vous vienne d’en découvrir certains.

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Les 20 meilleurs mangas de 2021

La fin d’année arrive, les nombreuses nouveautés manga de 2021 ont eu le temps d’être lues et appréciées à leur juste valeur. Il est donc l’heure de faire place aux traditionnels bilans de fin d’année. C’est un classement évidement subjectif des 20 meilleurs titres de l’année qui ouvre le bal. Si quelques règles ont été fixées pour le rédiger, comme l’absence de rééditions ou celle de suites et spin-offs, il a toutefois été délicat de faire des choix tant cette année nous a proposé de nombreuses petites pépites. Des excellents mangas sont donc passés à la trappe pour ce classement mais c’est le jeu, choisir c’est renoncer. En fin de compte, il ne reste que des œuvres hors du commun qu’il vous faut absolument découvrir si vous aimez la bande dessinée japonaise. C’est parti pour un top 20 des meilleurs mangas de 2021 qui passe de l’amour à l’horreur, de la passion à la tragédie, du vintage au futuriste.

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Incandescence : Les battements d’ailes du papillon

Un retour incroyable d’Ayako Noda chez nous, après Le monde selon Uchu sorti chez Casterman en 2016, oeuvre dans laquelle elle brisait avec talent le 4e mur en faisant évoluer ses personnages au sein même d’un manga. L’autrice nous rend avide, tant l’envie de découvrir ses oeuvres est forte. Son répertoire est varié, elle publie également du boy’s love sous le nom de plume Niboshiko Arai. Certaines de ses oeuvres inédites chez nous ont déjà largement capté notre attention, avec l’espoir de les voir, elles aussi, éditées bientôt en français.

Incandescence, ou Sennetsu de son titre original, a d’abord été prépublié au Japon dès 2015 dans le magazine Hibana de Shôgakukan, avant de basculer ensuite, quand ce dernier a cessé de paraître, sur le Ura Sunday Jiyoshibu et l’application Manga One. Il a continué sa prépublication jusqu’en 2018. Arrivé chez nous grâce aux éditions Le Lézard Noir l’année dernière, son troisième et dernier tome s’est dévoilé ce 18 février. 

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River’s Edge ou les Contes cruels de la jeunesse

« On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans » a écrit Rimbaud pour parodier le romantisme niais qui frappe souvent cet âge fantasmé qu’est l’adolescence. Dans River’s Edge de Kyoko Okazaki, on ne peut donner plus tort à cet adage. Ici nulle trace d’insouciance, de légèreté ou d’ironie. La flottante ivresse rimbaldienne cède la place à une matière noire et visqueuse qui est celle de l’ennui et du vide. C’est que dans ce manga polyphonique, on est bien trop grave, bien trop sérieux dans la superficialité même. Les protagonistes de cette histoire sont des adolescents plein de contradictions, déjà malmenés par la vie, qui semblent avoir grandi trop vite, et qui se sont rendus compte qu’il n’y avait rien après, sinon directement la mort. Sous le signe du banal et du sordide, la manga nous fait l’anatomie d’une jeunesse sans illusions engagée dans le chemin tortueux de l’autodestruction. Pourtant dans cette violente descente aux enfers, Kyoko Okazaki arrive à faire que, malgré tout, l’on puisse s’attacher à ces personnages qui nous bouleversent dans leur cruauté comme dans leur désespoir.

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Le manga et l’art de l’histoire courte : sélection de one-shots

Parmi les évidences liées au manga, il est en une qui est souvent incomprise ou contestée : la richesse des œuvres courtes. On parle notamment des titres conclus en un tome, que l’on nomme communément en France « one-shot », quand bien même cette appellation fait aussi et surtout écho aux mangas qui ne durent qu’un chapitre. Bref, beaucoup de lectrices et lecteurs se demandent comment un titre aussi court peut être dense et ont du mal à comprendre pourquoi un manga qui ne dure qu’un seul volume serait plus profond qu’une série qui se poursuivrait en une vingtaine. Et c’est normal, car dans l’inconscient collectif, il est admis qu’une série courte est soit une œuvre de jeunesse soit un titre qui n’a pas connu le succès escompté et qui a été annulé.

conseil manga one shot

Mais la réalité est autre. De nombreux artistes dans le monde du manga se complaisent dans la création de nouvelles et autres récits courts, dans lesquels ils peuvent s’épanouir artistiquement ou encore se focaliser sur des thématiques précises sans en dériver. Mais tout de même, cette spécificité de la vision du manga en France est étrange. Si on l’appliquait à l’audiovisuel par exemple, personne ne s’étonnerait qu’un film durant une heure et demie soit aussi riche, ou du moins différemment, qu’une série de huit saisons. Et les répercussions sur le manga sont importantes, car de nombreux éditeurs hésitent de plus en plus à publier des one-shots car ils sont régulièrement boudés par le lectorat, entre les préjugés sur leur intérêt et la mauvaise visibilité en librairie.

S’affranchir de la pensée commune n’est pas évident, et faire ce pas vers des récits plus courts et souvent plus intimes que ceux qu’on a l’habitude de lire peut mener à d’incroyables découvertes mais aussi à quelques déceptions. C’est pourquoi on vous propose un petit guide de cinq one-shots sortis récemment en français, se trouvant donc facilement en librairie, et qui méritent le coup d’œil.

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Kids on the slope : l’espace pour exprimer les sentiments

« La peinture et le jazz ont des points communs, j’en suis sûre. La peinture joue sur l’espace, le jazz joue sur le temps. Mais c’est toujours exprimer ce qu’on est dans le lieu présent et l’instant actuel, ici et maintenant. »

En empruntant ces mots à Junichi, Yurika dévoile au lecteur quelque chose qu’il peut retrouver dans le manga de Yuki Kodama : à travers ses compositions, l’auteure joue sur la distance et la gestion de l’espace afin de mieux lui faire comprendre ce que ressentent les personnages. Après avoir évoqué la notion de s’ouvrir au monde, nous allons nous plonger dans les dessins de Kids on the slope à travers quelques exemples pour en comprendre l’essence.

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Kids on the slope : s’ouvrir au monde

Débutée en 2007 dans les pages de la revue mensuelle Flowers, Kids on the slope est la première série de Yuki Kodama, auteure jusque-là cantonnée à des histoires courtes. Succès d’estime dont la reconnaissance arrive en 2012, soit l’année de la fin de sa publication, grâce au gain du Prix Shogakukan et a une adaptation en série d’animation réalisée par Shin’ichiro Watanabe.

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Il faut dire que l’œuvre a de quoi marquer les esprits. Brillant par la justesse de ses relations entre les personnages, le thème du jazz dans le Japon de la fin des années 60 et le divin coup de crayon de Yuki Kodama, Kids on the slope regorge de qualités afin d’attiser la passion des lecteurs. Plus finement de par leur traitement, des thématiques d’ordre social ou culturel sont abordées à travers le manga. Elles sont en retrait tant les protagonistes et leurs états d’âme occupent le devant de la scène, quand bien même elles font partie d’eux. Cet article a donc pour objectif de se pencher sur la manière dont l’auteure nous convie à élargir notre horizon et s’enrichir d’autres cultures.

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Ces 13 mangas que j'attends en français

Si Eck, Enwyn et Bobo le font, pourquoi pas moi ? C’est dans cette optique que je me décide à présenter des mangas qui mériteraient d’être publiés en français.  Choisir, c’est renoncer. Sauf que moi je choisis de ne pas renoncer. Du coup je ne vais pas lister ici-même trois ou quatre séries comme mes collègues, mais bien treize. Ouais, parce que les tops 10 c’est pour les petits joueurs (puis ça porte bonheur treize, non ?). Bon, au final j’ai quand même dû renoncer à quelques titres, car j’en attends bien plus que treize… J’ai donc décidé de me fixer une règle pour concocter cette liste : présenter uniquement des mangas d’auteurs qui ont déjà été publiés en France.

Et si certains éditeurs me lisent, qu’ils ne fassent surtout pas les timides et qu’ils piochent allègrement dans cette liste. C’est cadeau.

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Collusion de la sémantique et du marketing dans la distribution du manga

S’il y a bien une chose dont chaque passionné se revendique, c’est d’avoir son propre jargon lié à son univers. Les philatélistes auront alors leur vocabulaire, les modélistes aussi, et donc naturellement les otaku pareil. Et comme nous sommes une sale race comme une autre, nous sommes fiers de posséder un petit dictionnaire nippo-français inintelligible du grand public. Vocabulaire qui sonne comme des insultes aux oreilles des non initiés, qui eux vont plutôt rigoler en répétant des blagues à base de sushi ou sudoku, ne repoussant ainsi pas les limites de leur connaissance ni les frontières de leur ouverture d’esprit. Et c’est dans cet imbroglio de noms qui résonnent tantôt dans un japonais respectueux tantôt dans un franponais douteux que nous allons nous attarder sur l’exemple du seinen avant de poser la problématique liée au titre.

genshiken manga débat seinen

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