KareKano: entre lui et moi

Lui, c’est Hideaki Anno, le réalisateur de Nadia et d’Evangelion. Moi, bah c’est moi, Meloku. Entre nous, c’est une longue histoire d’amour, avec des moments de joie qui la caractérisent. Mais également des promesses, des attentes, des larmes, des incompréhensions et des incertitudes qui parsèment le bonheur latent. Aujourd’hui, je vais vous parler d’une partie choisie de cet amour, celle où on riait de bon cœur, celle nommée KareKano.

Amour, ouais amour

À l’origine, KareKano (aka. Kareshi Kanojo no Jijyo (aka. Entre elle et lui (aka. Rien))) est un shojo de Masami Tsuda, édité en France chez Tonkam. Manga que je n’ai pas lu, pour pousser le professionnalisme de cet article dans ses derniers retranchements. L’adaptation animée est confiée à Hideaki Anno. Elle sera sa troisième et dernière série TV, jusqu’à ce jour tout du moins. Le réalisateur ayant développé des thèmes propres (et d’autres un peu sales, il faut le reconnaître) durant sa brillante carrière, on pouvait douter du bon sens de lui confier une adaptation. D’une romance lycéenne, qui plus est ! Ce qui paraît loin des univers de science-fiction auxquels Anno nous avait habitués. Et pourtant…

Mais avant tout, laissez-moi vous livrer un résumé de KareKano. Yukino Miyazawa a tout de la fille parfaite. Gentille et serviable, elle est la première de sa classe. Tout le monde l’admire; et elle aime ça la bougrette ! Parce que oui, si Miyazawa fait bonne figure, c’est uniquement pour être adulée des autres. Une fois chez elle, elle change du tout au tout. C’est une fille vaniteuse et négligée. Mais ça va changer à son entrée au lycée. En effet, un garçon est désormais au centre de toutes les attentions: Arima. Ne supportant d’être reléguée au second plan, Miyazawa va tout mettre en œuvre pour être meilleure que le bellâtre. Ce dernier, de son côté, tombe amoureux de Miyazawa et ne tarde pas à se rendre compte que le personnage qu’elle est au lycée est un rôle.

Il s’agit là évidemment du point de départ, car Miyazawa et Arima auront vite fait de sortir ensemble, et l’histoire tournera autour de ce couple d’élèves modèles. Je vais donc commencer par le gros défaut de la série, parce qu’après, je n’en dirai que du bien ; ou presque. Le point noir de KareKano, c’est la répétitivité de sa construction narrative. Je m’explique en exemples.

Au départ, Miyazawa ne peut pas encadrer Arima. Puis ils sortent ensemble.

Au départ, Asaba veut séparer Miyazawa et Arima. Puis ils sont amis.

Au départ, Maho veut mettre à l’écart Miyazawa du reste de la classe. Puis elle devient sa meilleure amie.

Au départ, Tsubasa déteste Miyazawa. Puis elle devient son animal domestique. Ou son amie. C’est selon.

Au départ, les profs veulent que Miyazawa et Arima ne sortent plus ensemble. Puis ils se montrent prévenant à leur égard.

Au départ, Tonami veut se venger de Sakura. Puis il tombe amoureux d’elle.

Au départ, Tsubasa refuse violemment que son père se remarie. Puis elle se sent bien auprès de sa belle famille.

Et des exemples ainsi, il y en a d’autres. C’est redondant, n’est-ce pas ? Eh bien dans KareKano, ça passe comme dans du beurre, enfin du beurre qui vient de sortir du frigo. En effet, si la récurrence de ce schéma narratif a de quoi rebuter, elle ne se fait pas forcément ressentir au visionnage. Cela est dû à deux choses. Premièrement, chaque personnage dispose de son caractère, sa manière de penser, ses raisons d’agir. De ce fait, chaque confrontation est unique. Si le procédé narratif est relativement identique, la réflexion apportée par celui-ci change d’une séquence à l’autre. Ensuite, KareKano s’enlise dans un quotidien. Comme dans Evangelion, les mêmes tâches sont répétées encore et encore, au point que ça en devienne une habitude. Mais je ne m’attarderai pas dessus, puisque je reviendrai plus tard sur les ressemblances avec Evangelion.

(Notez par ailleurs que je vous déconseille fortement d’insérer vos DVD dans une motte de beurre.)

dybex

Et plus tard, c’est maintenant. Bon, je pars du principe que vous avez tous vu Evangelion au moins deux fois, et je ne vais pas réexpliquer le bidule. Il y a pas mal de points communs entre KareKano et Evangelion, à commencer par la quête existentielle d’Anno. Parce que oui, derrière les amourettes lycéennes, il y a une volonté du réalisateur de démontrer son point de vue sur le «moi». Plus de deux ans après la fin d’Evangelion, on sent que c’est un sujet qui l’obsède encore, et on comprend mieux pourquoi il a accepté d’adapter ce shojo.

Le personnage de Miyazawa veut que le soi qui se trouve dans le cœur des autres se démarque par son approche de la perfection. En d’autres termes, elle veut que son soi soit de soie. Et pour se faire, elle n’est plus elle-même une fois qu’elle met les pieds au lycée. Aussi se demande-t-on qui est-elle réellement ? C’est en compagnie d’Arima, auprès duquel elle va se livrer, qu’elle apprendra à mieux se connaître. Pour Arima, c’est un peu le même problème, mais en plus complexe, d’autant que le bonhomme est assez pessimiste. Mais je ne vais pas m’attarder dessus, pour vous laisser le soin de la découverte.

On a réellement l’impression qu’on est dans la continuité des travaux d’Anno sur Evangelion. À la différence de Shinji et ses petites copines, Miyazawa et Arima ne tentent pas de sauver le monde du troisième impact. La vision de la série est beaucoup plus nombriliste, et les protagonistes mettront de l’entrain pour sauver leur couple. Et ça, ça apporte une dimension plus humaine à la réflexion d’Anno. Si bien qu’on pourrait résumer KareKano en une phrase: «C’est Evangelion dans un lycée».

au premier temps de la valse

Depuis tout à l’heure, je parle de romance, de tranche de vie, de réflexions, mais ne perdons pas de vue que KareKano est avant tout une comédie. C’est bien souvent qu’on décroche un sourire en regardant cette série. Malgré quelques passages assez sombres, et d’autres annoesques, le ton principal est jovial. Ce qui ne manquera pas de mettre de bonne humeur n’importe quel spectateur. Sauf s’il est aussi dépressif que Shinji…

Et puis l’avancé du scénario parvient à intéresser et toucher le public, même s’il n’est pas un habitué de shojos. On se sent concerné par ce qui se passe à l’écran, à tel point qu’on a envie qu’il n’arrive que des bonnes choses aux personnages. Du fait de l’humour, des questionnements, mais également des caractères de ces derniers, il est facile d’entrer dans la vie quotidienne de Miyazawa et ses compagnons. Pourtant, le but d’Anno n’est pas de nous raconter une histoire. Lui, il veut faire passer des messages sur l’existentialisme par n’importe quel moyen. Et ici, il le fait par le divertissement; c’était déjà le cas dans Evangelion. Du coup, dans KareKano, il mènera sa réflexion à son terme, à défaut d’en conclure l’histoire.

Maintenant je vais parler du gros point fort de la série: la réalisation. Hideaki Anno et Kazuya Tsurumaki (dont ma théorie est qu’il est un clone d’Anno; ou un truc du genre) ont fait fort. Mais vraiment fort. La réalisation est d’un dynamisme époustouflant. Ce n’est pas beau en soi, mais c’est très efficace. Il y a tellement de textes qui apparaissent à l’écran qu’on pourrait presque se croire sur un site pour adultes. De plus, on sent vraiment la volonté d’innover. KareKano est un immense terrain d’expériences aussi brillantes que réussies. Il y a des séquences avec en prise de vue réelle, d’autres faites avec les personnages qui ont été découpés sur du papier, etc. Je vous laisse vraiment le soin de découvrir et d’être émerveillés. Notons également que le coup de crayon de Tadashi Hiramatsu a sublimé les personnages du manga d’origine.

La musique prend une part importante dans l’ambiance globale. Si l’on tend l’oreille, on reconnaîtra sans difficulté la patte de Shiro Sagisu. Effectivement, les thèmes présents rappellent une fois encore ceux d’Evangelion. Mais en mieux. Et avec un rôle plus important. C’est un réel plaisir que d’avoir une OST puisant ses inspirations à la fois dans la musique pop moderne et dans celle des années 60. Il est également nécessaire de préciser que les bruitages ont un rôle fondamental pour le ressenti du spectateur. Le chant des cigales le détendra, tandis qu’il sera stressé à l’écoute des klaxons. De plus, rappelons que le générique de fin de KareKano est meilleur ending de l’univers. Il a même été chanté dans l’espace. Dans Planètes. Le manga de Makoto Yukimura.

Avant de conclure, un petit mot sur la VF. Elle est excellente ! Surtout au niveau du doublage des deux sœurs. Bon, l’adaptation des textes qui débarquent à l’écran s’essouffle considérablement dans les derniers épisodes, et c’est vraiment dommage. On a une désagréable impression de travail fait à la va-vite. Mais ça se justifie par la croissance exponentielle du nombre de textes affichés à l’écran dans la dernière ligne droite de la série.

Un homme ? Un homme. Un autre homme. Un lien qui les unit. Mais quel est ce lien ? L’amour ? Non. L’amitié ? Non, c’est autre chose. L’admiration. La passion. L’exaltation. Des conséquences ? Oui, du respect, et de l’engouement. Qui est-il ? Il est celui que tu n’es pas. Il est celui tel que tu le vois. Il est lui, à l’intérieur de toi. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? J’arrive à le comprendre. Je le connais. Oui. Parce qu’il est lui. Et que tu es toi.

10 réflexions sur “KareKano: entre lui et moi

  1. Oh, je pensais pas que tu aimais cette série, m’enfin c’est Meloku, il aime tout c’est vrai. :p
    Ton article est très bien et il me donne presque envie de mater l’anime (surtout quand tu fais le rapprochement avec Evangelion là j’étais sur une autre planète mec.. o_o) -Et puis l’ending est cool o/-
    Mais il n’empêche que c’est un shojo « classique » par contre là je parle du manga, c’est peut être pas tout à fait la même chose avec l’anime mais l’histoire reste la même et c’est du classique pour moi… Je l’ai lu y a longtemps et à l’époque j’étais encore fan de shojo pourtant… Mais c’était prévisible et trop gnangnan (même si j’avoue que y a du psycho et des trucs sombres dedans…) et à partir du 5e tome j’avais fini la série… Bon, c’est de la tranche du vie donc voilà, mais ça m’a semblé trop cliché et ennuyeux, je l’ai fini malgré tout. Ce que j’aime le plus c’est surement l’évolution du trait de la mangaka, à part ça je n’ai jamais décollé avec ce manga j’ai même été déçue et j’ai pas compris sa popularité à l’époque du magnolia…

    Hihi. Et un mini pavé, un !

    • D’habitude on me rétorque que je n’aime rien \o’/

      Le manga et l’adaptation animée sont assez différents. J’en ai pas parlé pour éviter de faire trop long, mais Anno a complétement réécrit le script et a fait de KareKano un véritable terrain d’expériences en terme de réalisation. Du coup, ça n’a pas plu à la manga et Anno a quitté la série, la laissant entre les mains de Tsurumaki (son bras droit quoi).
      Ce que tu dis du manga ne m’incite pas à le lire. Il a vraiment l’air de pécher par classicisme, et je n’adhère pas au trait de l’auteure.

      • Ah bon :p
        Ok, je vois… Tu me donne envie de mater… Mais bon j’ai pas le temps pour les animes là o/
        Mais tu le vends bien en tout cas… è_è (t’as oublié le « ka » à « manga » non?) Je savais pas pour cette histoire entre Anno et Masami (bon je savais même pas que y avait un anime j’avoue..)
        Bah tqt tu ne rate rien avec le manga, c’est long et j’ai dépensé des sous pour rien.

On attend votre avis !