Que préférez-vous dans les shôjo ?

La semaine du shôjo est de retour, toujours organisée par Club Shôjo. Cette année, le thème de cet événement interblog s’articule autour d’une question : « Que préférez-vous dans les shôjo ? ». Une interrogation qui paraît simple, mais qui ne l’est pas forcément, car elle en appelle d’autres, notamment sur ce qu’est réellement un shôjo et quelle est la pertinence de parler aujourd’hui encore de shôjo. Mais avant toute chose, j’ai dressé une liste de mes shôjo et josei préférés pour essayer de voir ce que je peux en tirer. Entrons dans le cœur de l’article.

Mes shôjo préférés

En désignant plus d’une cinquantaine de mes titres préférés, je me suis rendu compte qu’on peut les classer en trois catégories. Je commence par la troisième, qui est celle qui m’attire le moins, même s’il est question de titres que j’adore. Elle concerne les mangas que je lis avant tout pour leur aspect divertissant. C’est le cas de L’académie Alice, Fruits Basket, Yona, Le pacte des yokai, Le requiem du roi des roses, Les enfants de la Baleine ou encore Chihayafuru. La seconde catégorie concerne les shôjo terre à terre qui me vont vivre de grandes émotions, qui me marquent par leur ton ou dont les messages résonnent en moi. Concrètement, je parle de séries comme Nana, Paradise Kiss, River’s Edge, Simple comme l’amour, Puzzle, Honey and Clover, Kids on the Slope, Kamakura Diary, Mars, À fleur de peau, &, Entre les lignes, L’infirmerie après les cours, Le cœur de Thomas, Très cher frère, Le rakugo à la vie à la mort, Spiritual Princess, Nodame Cantabile, Happy Mania, Trait pour trait, Princess Jellyfish… Et enfin, la première catégorie met en avant les récits de genre qui me marquent pour leur histoire mais aussi pour la manière dont ils abordent les thématiques ou alors pour leur intérêt artistique. C’est le cas de Banana Fish, Yasha, Basara, 7 Seeds, Don’t call it Mystery, Princesse Kaguya, The Top Secret, Le Pavillon des Hommes, X, Angel Sanctuary, Adekan, Le Clan des Poe, La Rose de Versailles, Liddel au clair de lune et bien d’autres.

Si je devais faire un Top 10 de mes shôjo préférés, il serait essentiellement composé de mangas des deux premières catégories. Pas parce qu’ils sont meilleurs, mais parce que les raisons qui font que je les aime me parlent davantage. D’ailleurs, pour celles et ceux que ça intéresse, voici à quoi ressemblerait mon classement de mes shôjo préférés, à raison d’un titre par mangaka !

  1. River’s Edge de Kyôko Okazaki
  2. Le Clan des Poe de Moto Hagio
  3. Nana d’Ai Yazawa
  4. Banana Fish d’Akimi Yoshida
  5. 7 Seeds de Yumi Tamura
  6. Honey and Clover de Chica Umino
  7. Kids on the Slope de Yuki Kodama
  8. L’infirmerie après les cours de Setona Mizushiro
  9. Princesse Kaguya de Reiko Shimizu
  10. Le Pavillon des Hommes de Fumi Yoshinaga

Pour l’amour du shôjo

Mon affection pour le shôjo se divise donc en trois catégories distinctes, qui ne sont pas forcément immuables. Il y a plusieurs œuvres à mi-chemin entre deux cases, et il serait dommage de les enfermer. Pour l’aspect divertissement, ce qui compte le plus est le plaisir de lecture que je prends, mais aussi les émotions que ces mangas me font traverser. À ce titre, j’adore des mangas de fantasy relativement légers (ou du moins qui s’éloignent de notions réalistes) comme peut l’être Yona. Je prends un immense plaisir à rester auprès des personnages, découvrir l’intrigue et l’univers. Mais est-ce vraiment spécifique au shôjo ? En fin de compte, j’aime L’académie Alice pour les mêmes raisons que j’aime Naruto. J’adore l’univers, la tension dramatique, l’humour, les tragédies, les différents pouvoirs, et bien sûr tous ces personnages attachants que l’on voit grandir.

Et il en est de même pour les autres catégories. Par exemple Nana est un manga dessiné avec le sang. Il marque par sa poésie, ses recherches graphiques et narratives son intensité dramatique, sa passion exacerbée… Dans mon esprit, ce n’est pas si différents de seinen comme Bonne nuit Punpun, Les liens du sang ou encore Real dans lesquels les auteurs se livrent entièrement. Ai Yazawa a mis tellement d’elle dans son manga, qu’elle ne parvient même plus à en dessiner la suite.

L’importance du shôjo

D’ailleurs, est-ce vraiment important de savoir si Nana est un shôjo ou un josei ? Du fait de sa popularité fantastique dans le magazine naissant Cookie, il a défini la cible éditoriale de la revue, et non l’inverse comme c’est généralement le cas. N’est-il pas plus intéressant d’expliquer son contexte de publication plutôt que d’essayer de l’enfermer dans une case ? Surtout que la limite entre shôjo et josei est la même qu’entre fille et femme en français. On utilise des mots japonais pour codifier les mangas alors qu’ils peuvent être synonymes. Même question pour Paradise Kiss. Débattre de s’il s’agit d’un shôjo ou un josei me semble bien moins important que préciser qu’il a été publié dans un magazine de mode.

Pour aller plus loin, un manga comme Pink est généralement considéré comme un seinen en Occident. Mais c’est un non-sens total. Le manga de Kyôko Okazaki s’adresse bien évidemment à un public féminin et il a contribué à révolutionner le shôjo et le josei. Seulement, l’autrice était trop en avance sur son temps, et une œuvre aussi avant-gardiste ne pouvait pas être publiée dans un magazine shôjo à l’époque, en 1989. Le manga a donc été publié dans le magazine New Punch Zaurus, le successeur de la revue Heibon Punch pour laquelle elle avait déjà travaillé avec son manga Georama Boy Panorama Girl.

La question de la frontière entre le shôjo et le seinen peut être encore plus floue lorsque l’on prend en exemple plusieurs titres d’un seul mangaka. Comme Junji Itô. Tomie a été publié notamment dans Halloween et Nemuki, c’est-à-dire au sein de magazines ciblant principalement un public féminin. Mais surtout, ce sont des magazines de niche, spécialisés dans l’horreur. Lorsque Junji Itô a commencé à être reconnu à la fin des années 90, il a été publié dans des revues grand public comme Big Comic Spirits avec Spirale. La distinction entre shôjo et seinen est ici celle est entre niche et grand public. Concrètement, pas grand chose n’a changé pour l’auteur, si ce n’est qu’il doit s’adapter à de nouvelles contraintes (comme à chaque changement de magazine, qu’importe le genre du public ciblé), comme proposer des récits plus longs. Autre exemple, lorsque l’on ouvre March comes in like a lion, on pense logiquement que c’est un seinen, ne serait-ce qu’avec son protagoniste masculin. Et à raison, le manga est publié dans Young Animal, la même revue que Berserk. Mais est-il significativement différent de Honey and Clover qui a eu un parcours chaotique au sein de plusieurs revues josei ? Chica Umino a simplement proposé sa nouvelle série dans un magazine plus stable, sous la recommandation et les encouragements de son ami Kentarô Miura. L’une est un josei et l’autre un seinen, mais les deux séries de l’autrice s’inscrivent dans la même continuité. Et c’est sans doute plus important que les cases dans lesquelles on pourrait enfermer les œuvres.

La spécificité du manga

Pour résumer, mes shôjo préférés, je les aime pour les mêmes raisons que j’aime les mangas d’autres cibles éditoriales. Et puis je trouve que certaines frontières sont tellement minces qu’il serait dommage d’enfermer les mangas dedans. Mais alors, parler de shôjo est-il encore pertinent ? C’est en réponse à cette question que se trouve ma réponse à la question initiale de savoir ce que je préfère dans le shôjo.

En fait le shôjo, et par extension le josei, peut se définir de façon très simple. Ce sont des œuvres créées majoritairement par des femmes pour des femmes. Et ça, c’est la spécificité du manga. Car non seulement le public féminin peut lire des séries pensées pour lui plaire, sans se soucier des regards masculins, mais en plus cela permet également de donner du travail aux autrices et de mettre en avant leurs créations. Il peut bien sûr y avoir des problèmes, comme des mangakas telles que Fuyumi Soryo qui ne se sentait pas libre dans le shôjo ou Kuniko Tsurita qui préférait faire du gekiga au shôjo mais que les éditeurs orientaient vers ce dernier simplement parce qu’elle était une femme. Mais globalement, l’existence même du shôjo est bénéfique à la fois pour les lectrices et les autrices. Penser au public féminin, de manière massive et organisée est culturellement fort. Même s’il y a des quelques œuvres pensées pour les filles et que de grandes autrices se distinguent, on n’a pas l’équivalent du shôjo dans la bande dessinée européenne ou américaine. Et cette distinction fait la singularité du manga et son succès à travers le monde. Car oui, ce qui fait la popularité du manga, c’est sa diversité et non pas ses figures de proue. Il faudrait songer à ne pas l’oublier.

Bien sûr que j’aime certains motifs propres au shôjo. J’adore les nombreuses idées de découpages des cases que l’on peut y trouver ou encore l’expression des pensées intérieures. J’aime la finesse d’écriture qui révèle juste ce qu’il faut, les thématiques sociétales abordées d’un regard féminin et bien d’autres choses. Mais en fin de compte, si le raisonnement est un peu complexe, la réponse est simple : ce que je préfère dans le shôjo, c’est son existence.


Et comme La semaine du shôjo est une événement collectif, en plus de vous inviter à suivre les articles toujours très intéressants de Club Shôjo, je vous renvoie vers les autres blogs et chaînes Youtube qui participent :

Le bazar de DjadoLes Blablas de TachanLe Blog Noissapé
Bright Open WorldBulle ShôjoLe Cabinet de Mccoy
Les chroniques d’un angeDocteur PralinusEsprit Otaku
La forêt des lecturesInes-ScarletLasteve
Les lectures du KitsuneLa mangasserieNostroblog
Le Passeur LunaireSunread26Manga Suki

9 réflexions sur “Que préférez-vous dans les shôjo ?

  1. Pingback: Semaine du Shôjo 2024 : « Que préférez-vous dans les shôjo ? » – Le bazar de Djado

  2. Merveilleuse conclusion ! <3

    Je me retrouve bien dans ta catégorisation, même si je n’ai pas été aussi loin dans ma réflexion, m’arrêtant aux shojo d’aventure qui ont bercé mes débuts de la découverte du genre. Cependant, si je me retourne et regarde mes titres préférés, c’est effectivement bien plus vaste et complexe comme tu le décris très bien dans ce texte à la fois riche et concis.

    Merci pour ce bel exercice.

    • Merci beaucoup pour ton commentaire ! C’est vrai que j’ai un attachement aussi aux titres d’aventures car j’ai commencé à l’époque de tous les CLAMP, L’infirmerie après les cours, 7 Seeds, Princesse Kaguya etc.

  3. Superbe article !

    La corrélation que tu évoques entre le shôjo et le josei me rappelle ma réflexion dans mon propre article. Finalement, ce qu’on aime c’est l’écriture féminine et non la case qu’est la cible éditoriale. J’avais tenté d’appuyer cet aspect en évoquant des Seinen écrit par des femmes.

    Merci pour ce moment !

    • Merci beaucoup ! Oui c’est tout à fait ça. Je trouve l’existence du josei importante car ça implique des mangas à destination des femmes adultes, ce qui est venu tardivement dans l’histoire du manga. Mais fondamentalement, ça reste des détails concernant l’appréciation des œuvres.

  4. Pingback: Semaine du Sojo #2024 – Sunread26

  5. Ooh je crois que c’est un des articles que je préfère sur ton blog ! (comment ça, je dis ça à chaque nouvel article hihi ?) J’adore les nuances que tu apportes au terme, j’adore la passion qui ressort immanquablement lorsque tu évoques tes titres favoris et comme tu embellis chaque terme. Il y a beaucoup de shôjos de ma bibliothèque que j’adore grâce à toi, parce que tu me les as simplement fait découvrir ou bien parce que j’ai aimé les partager et en discuter avec toi.

    • Merci beaucoup pour ton commentaire ♥

      J’ai hésité à en parler mais discuter de mangas, partager des lectures ou même tout simplement s’investir dans des articles dessus participe à me les faire aimer encore plus. Alors tu joues aussi un grand rôle dans mon affection pour ces titres, merci à toi.

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