O.M.W.O.T. , l’humour c’est sérieux

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Dans un avion, un homme fume en lisant son journal. Des terroristes prennent d’assaut l’appareil mais il n’est pas impressionné. Il est le O.M.W.O.T. , One Man War On Terror (Soldat Solitaire Contre la Terreur), agent d’élite en costume et cheveux blonds impeccablement peignés, chargé de rétablir la paix à tout prix et tant pis pour les dommages collatéraux.

Quelque part entre l’hommage aux bandes dessinées de gare pour le style graphique, le Hard Boiled de Darrow et Miller pour la destruction totale, et Pascal Brutal pour la virilité paroxystique, cette bande dessinée de Benjamin Marra publiée par les Requins Marteaux en impose à son lecteur, qui ne peut qu’être fasciné par le prédateur de la terreur, véritable parangon de l’esprit Américain.

O.M.W.O.T. est une parodie de bande dessinée d’action mais ne fonctionne pas comme les parodies le font habituellement. Si elle se base bien sur quelques clichés que nous allons repérer dans cet article, elle ne tombe jamais dans le second degré goguenard, puisant au contraire sa force dans une hyper-littéralité jouissive, tellement premier degré qu’elle finit par en devenir absurde.

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O.M.W.O.T. est d’abord une compilation de clichés comme les aiment les lecteurs des sites Nanarland ou BDTrash (forum où des centaines de bande dessinées de gare sont reproduites et commentées). On y rencontre des ninjas, des agents doubles adorateurs du chaos, des punch-lines définitives, des bikers débiles, un tremplin pour cascades en voitures, mais aussi des secrétaires blondes aux cheveux permanentés qui ne rêvent que d’une nuit d’amour auprès de notre héros. Graphiquement, O.M.W.O.T. assure un mauvais goût rétro très sûr de lui. Les décors vides, les objets géométriques, les corps aux proportions juste ratées comme il faut et en particulier les visages très étranges des femmes rappellent les meilleurs moments des bandes dessinées Elvifrance. Pour autant, avec sa quadrichromie flamboyante et ses angles de vue audacieux, Benjamin Marra assure un vrai sens du spectacle. Comme dans les meilleurs nanars, on est séduit au second degré par l’absurdité de la chose, mais on reste au premier degré pour le déluge d’action complètement « awesome ».

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O.M.W.O.T. est bien une parodie de bande dessinée d’action, mais pas au sens où Team America ou OSS 117 parodiaient leur genre. La narration ne prend jamais les codes de haut, ne nous donne jamais de coups de coude pour nous dire à quel point les héros sont ridicules sans s’en rendre compte. O.M.W.O.T. est sérieuse et c’est la littéralité de l’action qui la rend improbable. Le prédateur de la terreur ne s’exprime que peu et ne pense à rien. Sa tournure de phrase préférée « disons juste que » est comme un trompe l’œil qui ferait croire à une profondeur là où il n’y a qu’un mur. Le héros se définit de deux manières : « disons juste que j’aime me battre » et « disons juste que je tue les méchants ». Il n’y a rien à chercher derrière. Là où ses adversaires peuvent faire preuve d’une certaine souplesse, le héros est tout entier rigide, ne bougeant ses membres qu’en angle droit.

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Il ne se contente pas de tirer sur ses adversaires, mais les brûle, démembre ou empale, les flammes de la rage se reflétant dans ses lunettes. Ce trop plein d’action est encore renforcé par des dialogues parfaitement littéraux et plats. Comme dans la rédaction d’un élève de 6ème, ils n’ont aucun autre rôle que d’assurer une redondance par rapport à l’action. Au final, on a un peu l’impression de voir le récit né du jeu d’un adolescent avec ses G.I. Joe après avoir enchaîné Commando, The Raid et un porno dans la soirée qui précédait.

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Le O.M.W.O.T. est un mâle alpha, tellement fort que tous l’admirent et le désirent. Le voir en action entraîne nécessairement de mouiller sa culotte, que l’on soit homme ou femme. Il est lui-même tellement supérieur à tous qu’il n’a aucune hésitation à coucher indifféremment avec les personnes des deux sexes. Les scènes de cul sont nombreuses et à l’image des scènes d’actions, mécaniques jusqu’à l’absurde.

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Le prédateur de la terreur n’est pas qu’une machine à tuer mais excelle dans tous les domaines de la vie. Dans la bagarre ou dans un lit, en pleine poursuite ou en plein supermarché, qu’il soit agent secret ou trader, il fait tout mieux que tout le monde. Même face aux révélations les plus surprenantes, même lorsque son pays est en proie à la terreur absolue, même quand le n’importe quoi ambiant menace d’amener l’histoire dans un récit à la Pierre la Police, il reste de marbre. A ce titre l’image finale, aussi étrange que grandiose, nous amène à repenser toute la bande dessinée. Quel Graal peut bien rechercher cet homme si parfait, protecteur d’un rêve américain qui ne cesse de se saborder et de n’être qu’une illusion ? A force d’être creux, le O.M.W.O.T. en devient une énigme.

Première œuvre de Benjamin Marra traduite en France, O.M.W.O.T. s’inscrit parfaitement dans le catalogue des Requins Marteaux en étant drôle, graphiquement audacieux et excessif en tout point jusqu’à l’étrangeté. Aussi dominant qu’Ultimex, aussi classe que Georges Abitbol, aussi violent que le Comédien et aussi sexy que Pat Magnum, le O.M.W.O.T. est un héros au sommet, que l’on espère revoir dans de nouvelles aventures toujours plus violentes.

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2 réflexions sur “O.M.W.O.T. , l’humour c’est sérieux

  1. tiens sympa, je m’attendais pas à voir chroniquée cette bd ici, ça fait bien plaisir, c’est cool de lui donner un peu de visibilité (; perso je me suis vraiment bien marré à sa lecture, m’enfin les requins en général je suis assez bon client, parmi leurs derniers titres Le Cas Alain Lluch est aussi à lire ;)

  2. Pingback: GOLGO 13 : « disons juste que… je remplis mes contrats ». – NOSTROBLOG

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