Nostro Awards 2016 : les meilleurs mangas à Suspense

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Après l’action, découvrons les polars qui ont maqué l’année 2016. Certains ne sont pas pour autant sans temps mort non, mais ils ajoutent une dose de mystères ou alors une tonalité pouvant rappeler les films noirs. D’autres, plus lents, brillent par leurs enquêtes, et par le fait de tenir en haleine le lecteur jusqu’à lui donner toutes les cartes en mains à la fin. Bref, voici la dernière sélection de ces Nostro Awards !

Snegurochka – Hiroaki Samura

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L’an 2016 fut pour beaucoup une année fructueuse en sorties de beaux mangas. Pour le bonheur du peuple, Sakka a décidé de dédier son année à l’illustre Hiroaki Samura, connu et reconnu pour son chef d’œuvre L’habitant de l’infini. Quoi de mieux pour entamer ce long périple que le délicieux one shot Snegurochka ? Je n’en vois pas d’autres (oui oui). Nul doute que ce manga est la meilleure porte d’entrée à son style graphique et à sa narration. On est plongé dans la froideur de la Russie au bord d’un lac. Nos deux héros, Belka et Shchenok, discutent avec un peintre ou ce qu’il en reste. Ce dernier, membre du parti, est intendant d’une petite datcha. A pari raté, elle lui offre un somptueux bijou qui fait office de passeport pour l’Angleterre afin d’obtenir le bonheur d’habiter cette humble demeure. Après une palabre prophétique, il accepte et fuit la patrie. L’intrigue est lancée. Qui sont ces personnages qui connaissent aussi bien les rouages de l’URSS ? Pourquoi veulent-t-ils prendre autant de risques pour habiter cette maisonnette ? L’accroche est parfaite. Tout aura lieu dans ce sublime lieu à la tenue blanche (ou presque). Belka, figée dans un fauteuil roulant poussé par Shchenok est la figure même du personnage féminin instauré par cet auteur. Malgré son handicap, ce petit bout de femme dégage une force et un charme digne des grandes. Durant tout ce voyage à la quête inconnue, elle nous émouvra jusqu’au dénouement final où la sombre et triste vérité sur Shchenok et la relation qui les lie illuminera le récit. A la fin de votre lecture, le marteau aura frappé votre esprit et la faucille aura saigné votre cœur. Au-delà d’une simple fiction, le récit se joue de l’Histoire et l’auteur s’amuse à la manier d’une main de maitre. Et puis, pour le dessin, il n’est pas nécessaire de s’épancher sur la légèreté et la grâce de son jet : comme la fille de neige, il est pur.

Kartoon

Ryuko – Eldo Yoshimizu

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Derrière ce manga se cache un auteur atypique. Eldo Yoshimizu n’est pas mangaka à la base. Tout comme Yûichi Yokoyama, c’est un artiste plasticien, en l’occurrence sculpteur. Il a été exposé dans le monde entier et a même travaillé pour des enseignes prestigieuses comme Vuitton. Il se lance à présent dans le manga, plus précisément le gekiga, pour explorer le côté artistique de la construction d’une histoire. L’histoire de Ryuko nous plonge, à l’instar de beaucoup de gekiga de l’âge d’or, dans une intrigue violente en présence de yakuzas. L’héroïne est une femme charismatique, qui explore les terres les plus en proie à la violence de la planète. Pourtant derrière l’intrigue, c’est bien la composition des pages qui demeure l’aspect le plus puissant du manga Ryuko. Eldo Yoshimizu a gardé son attrait pour la gestion des espaces en proposant des planches composées de manières hallucinantes, avec un trait nerveux et des transitions de plans étourdissantes. Ryuko, en dépit de son environnement crasseux, est un manga très beau. Son héroïne est belle, la façon dont l’auteur la met en scène est belle. On ressent bien, à travers le background de l’auteur, qu’il s’agit d’un manga différent. Ce n’est pas un simple polar, mais une expérimentation de manga par un artiste chevronné.

Raismith

 Springald – Kazuhiro Fujita

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Après l’échec de Karakuri Circus (Delcourt) et le flop affligeant de Moonlight Act (Kazé), les fans commençaient à se dire que la France ne publierait plus rien du fantastique Kazuhiro Fujita, auteur incompris et quelque part maudit dans nos contrées. Soudain, Ki-oon surprend tout le monde avec l’édition du premier volume d’une collection initiée par le mangaka et intitulée Black Museum, du nom du centre d’archives de Scotland Yard qui conserve, à l’abri des regards, objets et documents sur plusieurs affaires criminelles survenues en Angleterre. Fujita quitte l’univers du folklore japonais et des contes occidentaux pour dessiner une œuvre oscillant entre dark-fantasy et steam punk au travers d’enquêtes policières dans l’Angleterre victorienne. Le one-shot Springald se concentre sur le mythe urbain de Jack Talons-à-Ressorts, un effrayant personnage masqué et monté sur d’immenses ressorts. Son crime ? Déchirer les robes de ces dames pour palper la marchandise avant de s’enfuir sans demander son reste. Quelques temps plus tard, ce « jeu » tourne au drame lorsque Jack éventre une femme. L’inspecteur James Rockenfield mène alors l’enquête pour dénicher le meurtrier. Comme dans ses précédents titres, Fujita ne tournicote pas longtemps autour du pot et déploie des ressorts d’inventivités dans la mise en scène autour de son fantasque zébulon. Ce one-shot, réalisé avec beaucoup de soin par l’éditeur français, est une excellente porte d’entrée pour découvrir le travail extraordinaire du mangaka. On espère évidemment pour cette nouvelle année la suite de la collection Black Museum avec la publication de Ghost & Lady (2 tomes).

Damien – D’s©

Pupa – Sayaka Mogi

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Vivants seuls à cause d’un père violent, Utsutsu et Yume sont proches, très proches. Le grand frère est protecteur avec sa sœur, il pense tout le temps à elle, veut toujours être à ses côtés. Et elle le lui rend bien. Un beau jour, tout change. Alors qu’ils rentrent de l’école, d’étranges papillons apparaissent et contaminent la jeune fille du virus Pupa. Sans s’en rendre compte, elle se transforme en monstre assoiffé de chair humaine et se réveille sur un sol jonché de cadavres, y compris celui de son frère. Mais il n’est pas mort, car il a lui aussi été contaminé par le virus, ce qui lui permet de résister aux désirs cannibales de sa sœur. Pupa est un manga d’horreur très mystérieux, mais ce n’est pas ce qu’on retient le plus, le scénario n’étant pas très abouti, on pourrait presque dire qu’il est là pour faire bonne figure. Ce qui marque, c’est cette relation sexuelle incestueuse métaphorique, d’un frère qui se laisse dévorer par sa sœur, qui répond à ses pulsions morbides par amour pour elle. Il souffre, ressent la douleur d’être dévoré, mais il tient bon pour elle, le masochisme dans ce qu’il a de plus pur (ou malsain, c’est selon). La métaphore filée sur la sexualité se fait donc par le biais des monstres, et de ce fait, on peut ajouter qu’ils sont sublimes. Le travail fait par la mangaka débutante sur leur design et donc sur la plongée dans l’onirisme vaut le coup d’œil.

Meloku

No Guns Life – Tasuku Karasuma

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Un peu passé inaperçu malgré les tentatives de Kana de le faire connaitre, No Guns Life est pourtant un titre sur lequel il vaut mieux jeter un oeil et le bon. Se déroulant dans un monde d’anticipation rempli de mystères et de vestiges d’une grande guerre ayant laissé des stigmates profondes dans la société, l’histoire met en scène un Extend qui résout des affaires en impliquant d’autres. « Un Extend ? » me direz-vous, c’est le nom qu’ont ces personnes ayant subi des modifications corporelles bio-mécaniques leur permettant d’avoir des augmentations corporelles (oui comme dans les jeux vidéo Deus Ex) mais ça se remarque pas mal et à juste titre : le protagoniste possède une tête en forme de revolver (et en a un autre greffé dans la main). Outre son charisme de bad boy au passé trouble, fumant le visage dans l’ombre en récitant ses phrases de dur à cuire de roman de gare, il devra s’impliquer corps et âme dans des enquêtes mettant en scène des enjeux parfois plus gros qu’ils n’en avaient l’air au début. Le dessin vif et incisif de l’auteur rappelle cette nouvelle vague du seinen comme on l’assiste avec Tokyo Ghoul ou encore Levius du même éditeur. C’est brutal, ça bouge sec et avec dynamisme, il y a un côté sale qui tranche avec les mangas tout lisses qu’on a trop l’habitude de voir et ça fait un bien fou. En dehors de l’aspect graphique ou de l’histoire du manga, la lecture se fait toute seule. C’est narrativement plutôt classique mais très bien tissé de sorte que l’on ne s’ennuie pas, avec quelques récurrences bienvenues pour nous donner des points d’ancrage nécessaires. Un bon début qui donne envie d’en savoir plus sur cet univers qui a du potentiel, notamment lorsque ça parle de multinationales qui magouillent ou de vétérans de guerre. Affaire à suivre !

Eck

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