Dragon Head : Destination Désolations

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Dans Dragon Head, il y a de grands artistes.

« Attends Dragon Head, c’est lui ! »
Conquis et enivré par la chaleureuse entrée en matière de Shigeji et consorts dans Chiisakobé, j’ai voulu entretenir la légende considérant l’ancien titre de Minetaro Mochizuki, Dragon Head, comme l’un des plus marquants de sa génération. Son œuvre majeure en quelque sorte. Me voilà donc à entreprendre un moonwalk dans sa bibliographie, assoiffé d’en lire plus sur cet illustre personne.

Cerise sur le cupcake, Mochizuki est aligné au banc des invités lors du FIBD16. Rebond. Katsuhiro Otomo himself l’a décrit comme « le mangaka le plus doué de sa génération » : alors si le maître le dit, c’est qu’on est loin de la petite frappe du milieu.

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Deerhunter
Certains internautes influents ont eu raison de moi et j’ai donc entrepris la chasse aux dix tomes qu’il contient. Fusil de précision substitué à l’arme noble du 21e siècle, la Carte Visa…

Il faut dire que son parcours éditorial dans l’hexagone a subi quelques soubresauts : arrêt brutal, nouvelle étiquette, et formats multiples. La conclusion du feuilleton, comme beaucoup trop d’autres,  se finissant par la case réimpression rayée au marqueur (indélébile ?).
Quasiment impossible à dénicher en neuf en magasin traditionnel où même en ligne, une évidence se pose : se tourner vers l’import ou l’occasion.

Matos d’occasion mais munitions lourdes
Victory !!! Chargé à bloc pour préparer l’hiver, repu avec près de deux milles pages englouties, me voici fin prêt pour causer un peu de mon ressenti face à cette éruption de cases.

Voyage scolaire (légèrement) mouvementé
Terre, Asie, Japon, un Shinkansen, des étudiants de retour d’un voyage scolaire, quoi de plus banal jusque là. Dans la carcasse du train, Teru Aoki, notre jeune poulain, futur rôle principal du récit. Il s’ennuie ferme, comme la plupart de ses camarades. Jusqu’à ce fameux tunnel…
Tu sens l’élément perturbateur pendre du bout du nez, et pour cause il va te péter à la gueule.

Premiers relents d’obscurité
L’article en question n’étant pas là pour faire un résumé minutieux de ce qu’il se passe, au risque de me faire incendier sur la place publique au nom du Saint Spoil, je me permets de faire table rase des événements principaux. Teru, adolescent rebelle dans un format familial type (papa maman, plus sœurette délatrice en bundle), semble façonné dans le même moule que beaucoup de ses semblables. Rien de charismatique n’émane.

Mais ça c’était avant
Le Teru des tomes 2 et plus, n’est plus le même, il devient comme transcendé par son destin. Il développe, malgré lui, cette force de caractère, ce monstre de survie et va se retrouver, comme nous, au centre d’un ramassis de catastrophes inouïes.

Au-delà de la survie et de ses besoins primaires, sa seule ligne conductrice sera le retour à la capitale. Coûte que coûte. Accompagné de Nobuo et Ako dans un premier temps, du capitaine Nimura et de Iwada dans un second, Teru ne va (quasiment) jamais flancher dans sa volonté ni ses objectifs. Enfin tant qu’il garde un semblant de maîtrise dans les événements. Comme je l’ai énoncé plus haut, il ne voyage pas seul.
La folie étant très contagieuse, elle peut surgir de nulle part et déboulonner n’importe quel figurant. Seul lui et son alter-ego féminin semble prendre du recul et voir au-delà du tronc qui leur fait face quotidiennement.

Il est bien évident qu’en dix volumes, la tâche sera plus ardue que tout ce dont il a été préparé dans sa courte existence. Les premiers événements liés au train et à sa station de métro avoisinante vont apporter les prémices de ce que l’abus d’obscurité peut créer.

Peurs du noir
Lui qui n’a jamais été préparé au spectre de la mort et l’a rangé au fond du placard de sa conscience, il sera servi. Autant le dire d’emblée, si les nuances de noir et de blanc sont par définition ancrés dans le manga, le noir fait figure de favori dans Dragon Head. C’est de ce monopole abyssal imposé par les aléas de la catastrophe (particules, rejets de lave, incendies, torrents, et tellement d’autres) que vont surgir ces monstres. Ces entités perdues et abandonnées par ce nouveau monde en constante mutation.

Au-delà de cette peinture macabre grandeur nature, c’est aussi et surtout dans les individus que Mochizuki fait sa cuisine. Teru, Nobuo, Ako et Nimura sont autant de personnalités que de façons de réagir différentes face à la peur.
Fuite, affrontée, absorbée, annihilée, La Peur peut être considérée comme un personnage central de Dragon Head à bien des égards. Notamment dans ces ultimes frasques. Teru rencontrant alors des individus coupables de « peuricides ». Tout un programme.

Désolations ambiantes
Là où l’œuvre de Mochizuki fait mouche, c’est que les événements sont toujours pires, après chaque recharge de tome, et la descente aux enfers s’engage de plus en plus profond à chaque chapitre. Il y a bien eu quelques (faux) espoirs en la personne de la professeure ayant recueilli une partie du crew sur la péninsule d’Izu. Mais inexorable semble la chute. En fin de compte, on est bien en face d’un survival manga sang pur sang. Un genre que je retrouverai dans I am Hero ?

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Nul ne peut dire où s’arrêtera le calvaire

Clap de fin : affirmer que ce Dragon Head m’a marqué n’est qu’un doux euphémisme, c’est un manga qui ne laisse pas indifférent : on aime ou on déteste. Une chose est sûre, l’intrigue nous prend de ses bras accueillants et nous emmène au bon vouloir de Mochizuki, le puppetmaster. J’invite le plus grand nombre à mieux y goûter. Pensez au digestif.

10 réflexions sur “Dragon Head : Destination Désolations

  1. Dragon Head et son lot de double-pages mémorables, son jeu de perspective collant au mieux les personnages pour transmettre leur angoisse.
    L’exploration de la Peur, dans la première partie, m’a fasciné. Des années après ma dernière lecture, c’est surtout ça que je retiens du manga !

    Merci pour ton article qui m’a donné envie d’y replonger !

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  4. Dragon Head est le premier manga à m’avoir effrayé en le lisant, je me souviens encore de la claustrophobie que j’ai pu ressentir.
    Ca donne envie de s’y replonger, chouette article :)

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