Les genres de mangas sont-ils voués à disparaître ?

Shônen (jeune garçon), shôjo (jeune fille), seinen (jeune adulte homme), josei (jeune adulte femme), yaoi (mise en scène de relations homosexuelles masculines), yuri (mise en scène de relations homosexuelles féminines), kodomo (enfant) : voici la très grande majeure parties des types de classification de manga.

Death Note en couverture du Weekly Shônen Jump

Death Note en couverture du Weekly Shônen Jump

La règle est simple : un magazine de prépublication, un genre attribué et basta. Death Note, manga à tendance anthropo-sociologique, est publié dans le Shônen Jump : c’est un shônen. Chi – une vie de chat, manga kawaii montrant un petit chat qui s’amuse de tout avec un vocabulaire d’enfant est publié dans Morning : c’est un seinen. Chihayafuru, manga bourrés d’effets rosaces comme dans plein de séries shôjo et mettant en scène des jeunes qui se surpassent dans un jeu à compétition comme dans pleins de séries shônen est publié dans Be Love : c’est un josei. Si vous fréquentez les forums et les réseaux sociaux, vous avez peut-être un peu débattu avec d’autres internautes qui ne sont pas d’accords avec votre vision de la classification d’une série. « Il faut l’acter maintenant : il n’y a pas de bagarre dans Death Note, ni de surpassement de soi, mais c’est quand même un shônen ! » ou au contraire « ce n’est pas possible que Chi soit un seinen, ça saute aux yeux que c’est un manga enfantin ! ».

La réalité est plus nuancée.

Ces classifications ont été valables et rigides… jusqu’à un

Chihayafuru en couverture du Be Love

Chihayafuru en couverture du Be Love

certain point. Pendant bien longtemps, la problématique était marketing : les éditeurs cherchaient à adresser une revue aux collégiens, aux lycéens, aux garçons, aux filles, aux enfants plus jeunes… Un magazine = une cible marketing. Tant que cette façon de voir les choses était actée, il n’y avait pas de raison de débattre quel était le genre d’une série : la teneur du titre ne faisait pas partie de la logique. Seul le magazine, et par rebond la classification marketing, donnait le genre d’une série. Si une série paraissait plus mature que les autres dans une revue, les éditeurs avaient leur propre raison, mais en aucun cas le genre du manga était à redéfinir.

Seulement voilà, on peut le dire : ce système de classification est obsolète. Je dirais qu’il a commencé à l’être au moins vers le début des années 2000. Pourquoi ? Pour une raison que j’ignore, les cibles touchées par les séries mangas ne sont plus celles à qui la revue est dédiée. Depuis ce moment-là, les mangas shônen (c’est-à-dire les mangas les plus populaires, les plus vendus, les répandus) sont probablement lus majoritairement par les « jeunes adultes », ceux visés par les revues seinen et josei, et qui sont compris entre 15 et 35 ans. D’ailleurs, énormément de filles lisent des shônen. Les mangas seinen, en parallèle, ne se sont pas déportés et occupent la même tranche d’âge. Les shôjo sont un cas plus complexes : ils semblent beaucoup moins fonctionner et je ne peux pas dire avec certitude de quoi se compose la cible. Les josei eux, sont noyés dans le reste des manga et les éditeurs français font rarement mention de leur existence, ils préfèrent les catégoriser soit shôjo pour l’aspect « fille » comme Chihayafuru, soit seinen pour l’aspect « jeune adulte » comme Gokusen. Ce qui prouve que pour leurs besoins marketing, les éditeurs français n’hésitent pas à changer de catégorie les séries qu’ils achètent aux Japonais.

JoJo's Bizarre Adventure - Steel Ball Run en couverture du Weekly Shônen Jump

JoJo’s Bizarre Adventure – Steel Ball Run en couverture du Weekly Shônen Jump

En gros, viser le marché cible en fonction de l’âge n’est plus une façon pertinente de segmenter le marché. Les éditeurs japonais l’ont compris : bien des revues me paraissent exclues de tout système de classification ; certaines séries sont déplacées de revues shônen en revues seinen (par exemple Vinland Saga et JoJo’s Bizarre Adventure), et dans ces cas, ce n’est pas dû à un changement de ton, mais à la demande des auteurs d’adopter un rythme de parution de différent (beaucoup de shônen sont hebdomadaires et la plupart de seinen sont plus espacés que cela). En observant ces transferts, on voit que les éditeurs s’affranchissent complètement de ce souci. Depuis bien longtemps d’ailleurs, on voit naître des seinen dont on se demande pourquoi ils ne sont pas adressés à des collégiens tant ils ne montrent aucun signe de « maturité » spécifique, ni violence ni complexité excessive dans le scénario. Au contraire, bien des shônen prennent ces traits (encore que ça ne date pas d’hier, lisez par exemple Le voyage de Ryû ou Gen d’Hiroshima pour vous en rendre compte). On pourrait se dire que les revues yaoi et yuri survivent à ce système, vu qu’à la base, elles s’adressent aux lecteurs en fonction de leurs goûts, de ce qu’ils recherchent et non pas à leur tranche d’âge. Je crois cependant avoir constaté des séries qui ne portent absolument pas sur les romances homosexuelles dans ces revues, mais le souci est ailleurs (catégorie trop spécifique pour produire autant de revues et de séries ?).

JoJo's Bizarre Adventure - Steel Ball Run en couverture de l'Ultra Jump (revue seinen)

JoJo’s Bizarre Adventure – Steel Ball Run en couverture de l’Ultra Jump (revue seinen)

Ces noms de catégories sont toujours utilisés pour les valeurs qu’elles représentent (le shônen est confondu avec le nekkektsu, c’est-à-dire le surpassement de soi, les romances homosexuelles de revues josei ou seinen sont souvent appelées yaoi ou yuri, le seinen est tantôt connoté psychologique, tantôt ultra-violent, le shôjo est assimilé à la romance). Mais ces définitions ne sont plus les mêmes qu’à l’origine. À tort ? À raison ? Ces termes sont en tout cas de plus en plus ambigus à cause de ce problème de définition, ce qui fait qu’ils sont devenus totalement inutiles. Les laisser exister ne gêne pas vraiment l’appréciation des lecteurs ou même les ventes, je dirais. Mais ils sont plus encombrants qu’autre chose, et génèrent des discussions inutiles.

Pour segmenter idéalement un marché, il faut les chiffres de ventes et un test du Chi-2. Je n’ai pas les chiffres de vente globaux (désolé), donc je vous propose ma vision du marché du manga, les catégories réelles que je crois avoir constatées en rencontrant des gens sur des forums, en entendant discuter dans les librairies (il s’agit donc du marché de la francophonie pour être clair)… Et vous allez voir, les lecteurs de mangas qui ne lisent que des mangas, ce n’est plus la réalité. Dans la plupart des cas, segmenter par genre n’a plus beaucoup de sens, je n’en ferai donc mention que lorsque c’est notable.

En premier lieu, je vois plusieurs profils d’acheteurs :

Les mangas pour geeks : il lit des mangas de bagarre, beaucoup de shônen, nouveaux et classiques, des seinen chocs (tendance thriller, bourrins et/ou psychologiques). Il cherche à être diverti. Le format sous forme de serial lui plait beaucoup : la longueur des séries ne le gêne pas. Il peut se fier à certains anime pour acheter des mangas par la suite. Très souvent, il lit un peu ou beaucoup de comics mainstream, et il aime les grandes séries américaines du moment. Mangas types : Naruto, One Piece, Bleach, Dragon Ball, Berserk, 20th Century Boys, L’Attaque des Titans, JoJo’s Bizarre Adventure, Liar Game.

Les mangas pour nostalgiques : il est trentenaire, il fait partie des premiers à avoir accédé à la culture populaire japonaise à la fin des années 1980 ou au début des années 1990 avec tous les anime du Club Dorothée et des émissions TV du genre. Il a tendance à se contenter de ces anciennes séries, qui connaissent toujours une actu éditoriale (avec les éditions deluxe qui arrivent à foison depuis quelques années). Mangas types : Dragon Ball, Saint Seiya, Hokuto no Ken, Video Girl Ai, Juliette je t’aime, Ranma ½, Lady Oscar, City Hunter, Sailor Moon, Goldorak pour les plus anciens, les premiers Pokémon pour les plus jeunes.

Les mangas pour otaku : en gros, il faut que le manga adopte des traits très… « mangas », qui lorgnent vers ce qu’on appelle le moe. Ce lecteur lit souvent des comédies romantiques, des mangas comiques, parfois des sagas d’heroic fantasy et des trucs où il y a beaucoup de fan-service ecchi. Ses goûts sont souvent conditionnés par l’actu anime. Mangas types : GTO, Love Hina, Negima, Haruhi Suzumiya, Sword Art Online, Fate Stay/Night.

Aria est un manga paru dans le Comic Blade, une revue à la cible pas clairement défini. Bien que le trait soit assez féminin, c'est un manga beaucoup lu par des hommes. Il rentre clairement dans la catégorie des

Aria est un manga paru dans le Comic Blade, une revue à la cible pas clairement définie. Bien que le trait soit assez féminin, c’est un manga beaucoup lu par des hommes. Il rentre clairement dans la catégorie des « mangas pour otaku ».

Les mangas pour enfants : c’est la segmentation par âge qui a le mieux résisté. Ces mangas ont plus de succès qu’on ne le croit, et cela est dû à la diffusion de séries correspondantes. Mangas-types : Inazuma Eleven, Beyblade, les dérivés actuels de Yu-Gi-Oh !, les nouveaux mangas Pokémon, Kilari.

Ensuite, je vois plusieurs catégories de « produits », qui, contrairement à la façon de classer par acheteurs, peuvent facilement être imbriquées selon les profils de lecteur.

Les mangas de nekketsu : le nom réel des valeurs du shônen, alias le surpassement de soi en manga. Il s’agit de grosses licences, souvent de bagarre, parfois sportives, plus rarement comiques. Mangas types : Naruto, One Piece, Beelzebub, Kenshin, Ippo, Prisonnier Riku, Eyeshield 21, Slam Dunk, Bobobobobo.

Les mangas underground ou alternatifs : certains mangas ne rentrent pas dans les moules. Ils peuvent avoir un succès massif au Japon, en France, ce n’est pas le cas. Le lecteur de ces séries recherche « autre chose », il a d’ailleurs souvent lu des choses plus mainstream auparavant qui lui a donné le goût des bandes dessinées japonaises, et a envie de changer d’air en cherchant des choses plus décalées, des séries plus « qualitatives ». Dans certains cas, le lecteur de ces mangas aime les BD franco-belges et les comics underground. Mangas types : Bambi, Dorohedoro, JoJo’s Bizarre Adventure, Bonne Nuit Punpun, les mangas dits « eroguro » (si chers à biens de mes amis de Nostroblog).

Les mangas d’auteurs : ils s’adressent au choix à un lectorat plus âgé ou à un lectorat spécifique à la recherche d’histoires plus intimistes. Les mangas en question peuvent être des mangas d’auteurs récents ou anciens, voire d’anciens shônen ou shôjo qui ont à présent une valeur patrimoniale. Quelques fois, il peut s’agir de mangas comiques. Le lecteur de cette catégorie lit souvent des BDs franco-belges ou des comics du même genre. C’est d’ailleurs probablement dans cette catégorie que les styles des auteurs vont le plus se rejoindre, qu’ils soient japonais ou européens. Mangas types : les mangas de Jirô Taniguchi, d’Inio Asano, de Kazuo Kamimura, d’Osamu Tezuka, de Shôtarô Ishinomori, l’ensemble des mangas des collections Made In de Kana, Écritures de Casterman ou Latitudes de Ki-oon.

Ashita no Joe est paru à partir de 1967 dans le Shônen Magazine. Les lecteurs francophones d'aujourd'hui recherchent principalement sa valeur patrimoniale en le lisant.

Ashita no Joe est paru à partir de 1967 dans le Shônen Magazine. Les lecteurs francophones d’aujourd’hui recherchent principalement sa valeur patrimoniale en le lisant.

Les mangas mûrs : ce ne sont pas des mangas d’auteurs car ils ne sont pas très intimistes (même s’ils peuvent être dotés d’un aspect philosophique). Ce ne sont pas des mangas pour geeks car ils n’ont pas vraiment d’aspect blockbuster. Ils proposent généralement des intrigues complexes, de qualité et correctement référencées. Le lecteur de ce type de manga veut être diverti mais rejette quelque peu les aspects trop « action » de mangas shônen ou même de certains seinen. Il peut souvent s’agir d’intrigues de SF ou de thrillers. Mangas-types : Monster, Billy Bat, Vagabond, Real, Vinland Saga.

Les mangas féminins : au même titre qu’un genre de bande dessinée franco-belge de ce genre existe, et bien que tous les genres ci-dessus ne s’adressent pas vraiment spécifiquement aux filles ou aux garçons, certaines séries sont très orientées pour les femmes. Il s’agit souvent de romances qui mettent en scène une femme comme personnage principal, ou alors de comédies intimistes sur le quotidien. Il peut y avoir beaucoup d’effet de styles « féminins » dans ces mangas (les fameuses rosaces), mais ce n’est pas une condition obligatoire. Les romances homosexuelles demeurent adressées à ce type de public. Enfin, j’espère que vous l’avez deviné : vous pouvez être un homme et lire des séries de ce genre. Et vous n’êtes pas si peu nombreux que cela.

Bien entendu, ces catégories ne sont pas rigides comme le fameux système de classification. Si vous lisez cet article, vous allez peut-être vous retrouver plus dans l’une ou l’autre des typologies, mais dans vos lectures, il y aura sûrement des exceptions, et pas qu’une. À noter, je vous ai exclu de ces listes les mangas pornographiques, car comme dans toutes les formes de BD, c’est un genre à part, qui n’a pas la même visée pour un consommateur. C’est comme le cinéma, vous ne voyez pas l’intérêt de comparer Drive à un film de Katsuni, n’est-ce pas ?

Bien qu’il me parait inconvenant de réduire un lecteur de manga à une typologie de client, voilà donc ma vision du marché, et ces catégories me semblent plus tangibles que les shônen, shôjo et autres seinen. Pour bien faire, il faudrait aussi parler de la pertinence des termes « manga », « bande dessinée franco-belge », « comics » au lieu de bandes dessinées japonaises, francophones et américaines… Mais ça, c’est un autre débat.

Version japonaise de La république du catch (プロレス狂想曲) qui, contrairement à la française, compte quelques pages couleurs.resetD’ordinaire, une BD (comme un film d’ailleurs) possède sa « nationalité » en fonction de son contexte éditorial. Quid des premières séries de Tetsuya Tsutsui, qui relèvent typiquement du genre manga alors que ce sont les éditions Ki-oon qui en possèdent les droits ? Et la République du Catch, de notre Nicolas de Crécy national, qui adopte un style franco-belge alors que l’œuvre a été pré-publiée au Japon ?

30 réflexions sur “Les genres de mangas sont-ils voués à disparaître ?

  1. « Voués à disparaître », je n’pense pas tant les débats à ce sujet sont très minoritaires. Il est vrai que certains titres sont parfois remis en question, mais ça ne reste que de futiles discussions étant donné que, à ma connaissance, je n’ai vu/lu/entendu aucun titre se voir déplacer dans un autre magazine dû aux lecteurs (qui ne le jugent donc pas au bon endroit).

    Sinon, concernant les tranches d’âge, c’est une chose que j’ai toujours trouvé débile (le fait de classer telle tranche d’âge à certaines thématiques/sujets). Les exceptions sont nombreuses et nous sommes rarement/parfois/souvent curieux au sujet de certains titres n’étant pas catégorisés dans notre tranche d’âge. J’me demande si les cibles éditoriales ont réellement un sens à l’heure actuelle (voire lors de leur mise en place carrément)…

    D’ailleurs, rares sont ceux qui s’intéressent à la cible éditoriale des mangas. J’ai traîné sur plusieurs forums assez conséquents en terme de membres/activité et sur quelques groupes mangas sur FB, et il est très rare de voir une personne demander « Vous auriez un shonen […] ».

    Bref, tout ça pour dire que les cibles éditoriales n’ont pas vraiment de sens (d’après ce que je constate), mais que cela ne dérange pas suffisamment les lecteurs pour qu’ils protestent suite à telle parution dans tel magazine.

    • Il est vrai qu’il y a des lecteurs qui ont soif de nouvelles sensations et d’autres qui se cantonnent à ce qu’ils aiment déjà (ce qui est une façon de consommer la culture valable, je ne juge pas). Et cet état de fait n’est pas applicable en fonction de l’âge du lecteur, on est d’accord.

      Par contre, des lecteurs de mangas qui s’intéressent particulièrement aux shônens, aux seinens ou aux shôjo, et qui les appellent tels quels dans leur demande de recommandation, ça existe, j’en suis sûr. Mais c’est peut-être vrai que c’était plus fréquent il y a quelques années, preuve de la désuétude de ces termes ?

      • Il en reste, je ne dis pas le contraire. C’est juste que j’ai tendance à voir des gens dire « auriez-vous un manga comme [insérer titre de son manga favori] », « auriez-vous un manga avec des pouvoirs badass », etc.

        Néanmoins, on ne peut le nier, les termes « shonen », « shojo », etc. sont très souvent confondu entre « genre » et « cible éditoriale ». On ne compte pas le nombre de personnes trouvant que Death Note est un seinen, ou que K-On n’a rien d’un seinen, etc.

  2. Pour SBR, c’est un Seinen, même si il as commencer sa publication dans le WSJ
    Il as été transféré a cause du contenue, et même si DN était publier a coté, SBR était beaucoup + mature. Et cela à permis a Araki d’améliorer sont histoire et sont trait.

    • Je ne suis pas vraiment d’accord… SBR est un manga de bagarre stylistique, exactement de la même manière que les autres parties de JoJo’s Bizarre Adventure. Je suis persuadé que c’est un problème de rythme qui a décidé l’auteur et l’éditeur a transférer le magazine, et pas le contenu.

      Et on ne m’enlèvera pas de l’idée que Death Note propose une réflexion intéressante sur les concept de justice des hommes, de peine de mort et de mégalomanie, ce qui en fait un des (sinon le) mangas les plus matures du Shônen Jump.

  3. Les termes shônen, shôjo et compagnie gardent aussi un attrait pour le public, du moins en France. Du coup, je pense qu’il y a un côté marketing dans le fait de les utiliser.

    « Les mangas pour geeks » ont l’air de correspondre aux « mangas grand public ». En tout cas, ils se rapprochent des caractéristiques des mangas qui se vendent le mieux. Je pense que le jeu vidéo sert aussi de vecteur d’achat, comme l’anime (cf les bonnes ventes de Zelda, Assassin’s Creed ou… Amour sucré).

    Dans le domaine du manga féminin, je dirais que les titres à succès obéissent un peu aux mêmes règles : des séries divertissantes, qui ressemblent à ce qu’on s’attend à trouver dans un shôjo/BL, à savoir de la romance idéalisée, des dessins classiques et soignés. Un nom d’auteur réputé ou un anime peuvent aider aussi. Le côté gothique (vampires & co) a peut-être de l’influence, mais je n’en suis plus aussi sûre. Je n’ai pas cité le josei, vu sa quasi-invisibilité sur le marché français (mauvaises ventes et/ou catégorie éditoriale modifiée).

    Il y a aussi les mangas « couleur locale », avec des auteurs japonais qui rencontrent le succès car ils se rapprochent de ce qu’on connaît en France : la BD franco-belge pour Taniguchi (qui se vend mieux que dans son pays d’origine), le vin pour Les gouttes de Dieu… J’aurais bien aimé connaître les ventes de Rohan au Louvre, mais je n’ai rien trouvé à ce sujet.

    • Tes typologies m’ont l’air tout à fait valables. C’est vrai qu’il y a certains mangas qui grattent le franchouillard dans le sens du poil et à ce titre, on peut rapprocher des mangas tels que Quartier Lointain et Les Gouttes de Dieu. Cela dit, si on devait revenir à mes définitions, je pense que ce dernier rentrerait dans la catégorie des mangas mûrs, dans le sens où ça a beaucoup de traits très mangas (longue série fleuve axée sur une quête notamment) pour un aspect adulte et élégant. Et pourtant, ta définition doit mieux coller je pense, car effectivement, ce sont les Français un peu chauvins qui ont permis ce succès à ma connaissance.

      Concernant les termes shônen, shôjo et seinen, tu peux avoir raison, ça « parle » à beaucoup de lecteurs… mais je pense que ça se perd quand même. Et je suis certain que les éditeurs ne raisonnent pas en termes de shônen/shôjo/seinen dans leur définition stricte et officielle lorsqu’ils élaborent leur business plan, car à l’intérieur de ces catégories, les séries ne peuvent pas toutes toucher le même type de lecteur.

      • Je suis tout à fait d’accord pour les éditeurs, sinon on ne verrait pas des shônen (L’attaque des titans) ou des shôjo (Le requiem du roi des ronces) classés en seinen. C’est aussi le problèmes de vouloir faire entrer au forceps des types de récit dans des catégories éditoriales liées à l’âge ou au sexe. Même le classement des mangas homosexuels est en partie lié à la « nature » du lectorat (BL pour les femmes, bara pour les hommes, yuri pour les deux mais publié dans des magazines différents selon le sexe).

        • La principale différence pour ces types de séries et de revues, c’est que le contenu est ultra-précis, parce que ce contenu très précis intéresse un lectorat pas si petit que ça. Autant le bara est clairement destinés à un public d’homme gays, autant les autres me paraissent plus larges et représentent finalement un genre d’histoire qui a un écho auprès d’un public qui lui est devenu traditionnellement fidèle. Un peu comme les superhéros de comics, qui sont à la base des types en collants qui sauvent des gens dans un environnement urbain. C’est assez précis comme contexte scénaristique mais ça n’empêche pas de toucher beaucoup de monde, car les éditeurs ont réussi à rendre ce genre d’histoires traditionnelles, voire classiques.

  4. Peu importe le la classification, je me suis rendue compte que c’était une chose absurde avec Trinity Blood qui est publié dans un magazine shojo au Japon et édité chez Dark Kana de part chez nous… Je suis preneuse tant que les graphismes et le scénario me plaisent, de Yugioh! à Twittering birds never fly ~

    • Ça, c’est ce que le lecteur conçoit, et à mon avis, doit concevoir : il n’a pas besoin de s’encombrer de ces termes qui sont utiles aux seuls professionnels du milieu. En revanche, ces professionnels, ils ont besoin de repères, ils ont besoin de segmenter leur marché et d’identifier qui ils visent et avec quels produits, ça les aide à y voir clair et il en va de leur survie économique. Ce qui est finalement étonnant, c’est que ces termes marketing se soient autant répandus chez les simples lecteurs.

  5. Pour moi le manga ne sera pas reconnu du (très) grand public en France tant qu’il continuera à se regarder le nombril. Dès l’instant où des termes excluant sont employés (parce que shonen & co ne parlent à tout le monde), le manga sera considéré comme un divertissement de bas étage.

    Au même titre que les autres genres littéraires, il devrait être classifié par les éditeurs et libraires par catégories. Claymore devrait être rangé à côté de Berserk, Death Note à côté de Monster, A silent voice à côté de Bonne nuit Punpun.

    D’autant plus que les classifications par genre et âge sont dépassées, que les magazines japonais (pour la plupart) propose du contenu varié.

    • On est d’accord sur la finalité. Après, je pense que le manga s’est affranchi de presque tous ses clichés et atteint son plus haut degré de reconnaissance en France : il « existe » parmi toutes les autres BDs, dans les librairies, les festivals, sans que ça gêne personne. Je passe autant pour un geek passionné que je dise que je suis amateur de manga ou de bande dessinée en général. À l’inverse, des lecteurs plus occasionnels (mais qui suivent avec plaisir plusieurs séries) ne passent pas forcément pour des geeks passionnés.

  6. Primo, petite confusion dès le titre : shônen ou shôjo ne sont justement pas des genres, mais des cibles de lecteurs. Ce qui explique qu’il n’est pas pertinent de les mélanger avec yaoi et yuri, qui ne visent pas nécessairement les homosexuels…
    Un genre, ce serait la comédie, ou la science-fiction, qui après peuvent être traités sous le prisme du shônen, du shôjo, afin de plaire à la catégorie cible.

    Secundo, les filles qui lisent des shônen et des garçons des shôjo, c’est un phénomène tout sauf récent. Des titres comme La Rose de Versailles (shôjo) ou Terra e… (shônen) ont la réputation d’avoir su séduire un lectorat mixte. Les éditeurs, et surtout Square-Enix, ont simplement entériné cette tendance en lançant le shônen girl, un coup marketing destiné à attirer vers leurs titres des filles désireuses de lire un shônen mais avec un dessin et des personnages qui leur parleront plus ; la concurrence a suivi.

    Tertio, il existe de nombreuses raisons expliquant un changement de classification entre la France et le Japon. L’âge d’une série – un vieux shônen sera systématiquement vendu comme un seinen, car il n’attirera vraiment qu’un lectorat adulte – les différences culturelles, l’absence de public pour le josei, et surtout les préjugés du public français. Un shôjo, pour un lecteur français moyen, c’est une comédie romantique, point ! Aussi, en France, shônen ou shôjo correspondent avant tout à des noms de collections.

    Quatro, il apparait que nous autres Français (et Belges) donnons bien plus d’importance à ces catégories que les éditeurs japonais, tout simplement.

    • Primo, que je dise genre, cible de lecteur, ou type, tout le monde m’a compris. Ce que j’essaie de décrire à travers à mon article, c’est que la surinterprétation de termes précis donne lieu à des débats stériles. ;-)

      Secundo, tu me parles de Terra e, manga jamais traduit en France, j’en déduis que tu parles du public japonais, alors que je parle surtout du public français. Il est clair que même si les Japonais ont mis en place ce système de classement par sexe et âge, ce sont les premiers à ne pas l’avoir sacralisé (en donnant beaucoup de crédit aux auteures féminines, en dehors des histoires de fille et inversement d’ailleurs).

      Tertio : à peu près d’accord avec toi, si ce n’est que les shônen et les shôjo vintage sont vendus comme des mangas vintage ou patrimoniaux et pas des seinen ; et que j’émets une réserve sur shôjo = comédie romantique (est-ce vrai ? est-ce bilatéral, je n’en suis pas sûr).

      Quatro : et Suisses romands, Québécois, Monégasques et Luxembourgeois aussi, mais je suis d’accord. C’est pour ça que je dis que ce système est déjà obsolète au Japon et est sûrement amené à le devenir en France.

      • Désolé, mais dire du shôjo que c’est un genre, c’est aller dans le sens de ceux qui pensent que c’est le terme japonais pour désigner de la comédie romantique. Soit dit en avant, shôjo = comédie romantique marche désormais dans les deux sens, puisque Prunus Girl a été classifié shôjo en France par Soleil Manga, alors qu’il s’agit d’un shônen. Crois-moi, les préjugés ont la vie très dure, ce qui condamne à coup sûr tout shôjo vendu comme tel mais sortant de ce genre précis.

        Concernant le sexe des auteurs, ils n’ont qu’une importance toute relative. Jusqu’à la fin des années 60, la majorité des auteurs de shôjo étaient des hommes, faute d’un nombre suffisant de femmes dans la profession ; Osamu Tezuka, Leiji Matsumoto, Shôtaro Ishinomori, et Tetsuya Chiba ont marqué l’histoire du shônen, mais ils ont aussi tous écrits des shôjo. Le phénomène est ensuite devenu plus marginal, mais il reste des exemples à noter, comme Adachi Mitsuru avec Miyuki, sans parler de tous les pseudonymes de mangaka de shôjo qui peuvent parfaitement dissimuler un homme (comme mis en scène dans Otomen ou Gekkan Shôjo Nozaki-kun).
        Le phénomène inverse ne date pas non plus d’hier. Machiko Hasegawa a commencé Sazae-san, un seinen, après la Second Guerre Mondiale. Les deux shônen les plus populaires du début des années 80, à savoir Urusei Yatsura et Terra e…, ont été écrits par des femmes. Plus récemment, FMA, Blue Exorcist, Black Butler,… Toujours des femmes ! Sans parler des CLAMP, qui évoluent dans toutes les catégories.

        Quant aux termes, le public français y tient. Il suffit de prendre le cas de Delcourt : Akata avait essayé de les pousser à y renoncer, avec des noms de collection comme « Sakura », mais ils ont fini par rentrer dans le rang et à mettre la catégorie en gros sur le dos des bouquins. Pour ma part, cela ne me dérange pas, à condition que le public ait conscience de ce qu’il signifie. Ce qui n’est pas le cas.

        • Tu n’emploies pas le mot « genre » comme moi je l’emploi. Je ne parle pas du « genre » pour dire homme ou femme, mais du mot genre dans un sens très général, synonyme de « classe » ou de « type ». Soit c’est ça et tu cherches la petite bête, soit c’est pas ça et j’ai pas compris où tu voulais en venir ?!

          • Cela signifie juste que je ne donne pas le même sens au mot. Pour moi, un genre, c’est par exemple le western, ou le fantastique. Tandis que « shônen » et « shôjo » désignent des populations cibles de lecteurs.

            • Mais dans l’esprit du public francophone, ce n’est pas le cas. Les lecteurs ont leurs shonen préférés, leurs shojo préférés et cetera. Par exemple quand on dit : « mon shonen préféré est One Piece ». Shonen désigne un genre (ou un style)(ou le synonyme que tu veux) de manga, et pas une cible éditoriale.

              Et dans les librairies, les mangas sont classés selon ces mêmes terminologies. Du coup ce qui est vrai pour le marché japonais ne l’est pas forcément pour le marché français.

              Nous, on aime bien les termes exotiques, mais on ne sait pas toujours les employer.

              • Cela ne me dérange pas que les catégories servent à désigner de manière générique les titres qu’elles recouvrent. Mais je confirme que le public ne comprend pas leur sens et aime simplement ce qui lui parait exotique.

            • Ok. Cependant, shônen, shôjo, seinen, yaoi ou yuri, me semblent bien être des genres selon ta définition, dans le cadre du marché français, c’est-à-dire dans le cadre que j’explique (et pourquoi ces appellations sont problématiques en tant que genres).

        • Petite précision pour l’éditon française de « Prunus Girl » : Soleil a effectivement reclassifié la série en shōjo, mais l’a publié avec une jaquette réversible dont la face interne (du moins, lors de la mise en rayon) indique… shōnen sur la tranche. Ainsi, il suffit de retourner la jaquette et replier les rabats dans l’autre sens pour rétablir la vérité. Je crois que c’est le seul cas connu où l’éditeur permet de choisir dans quelle catégorie le lecteur veut classer sa série.

  7. Malgré les explications, je suis comme Gemini dubitative devant le mot « genre » que je trouve mal employé pour le titre de l’article (j’ai cru qu’on allait parler de « genre » comme policier, fantastique, etc… justement). Le mot pour shônen, etc… serait plutôt cible éditoriale ou catégorie éditoriale. Je trouve aussi que les préjugés ont la vie dure. Sinon, on ne déplacerait pas un shôjo comme Le requiem du roi des roses en seinen. Il y a un véritable cache-sexe, et cela concerne quand même plus les titres ciblant un public féminin. Dans la tête de nombreux lecteurs, shôjo = comédie romantique et je rejoins complètement Gemini sur ce plan là. il suffit de voir le nombre de shôjo dont le but n’est pas la romance se planter lamentablement, parce que si on veut lire du fantastique, de l’aventure, il y a déjà le shônen ou le seinen! Je me souviens encore de 7 SEEDS: mal aimé des lecteurs de seinen pour son dessin, n’intéressant pas le lectorat shôjo parce que c’est pas dans un lycée MALGRE son dessin (« oh non c’est pas une histoire d’amour! » ai-je entendu en librairie, le titre n’était pas encore arrêté…). The Top Secret est régulièrement placé avec les BL sinon. Il y a clairement un problème avec ces catégories qui sont arrivées par exotisme plus qu’autre chose et qui ne font que brouiller les pistes =/ .

    • Oui, c’est dommage que les shôjo et jôsei soit à ce point victime du succès d’un sous-type de shôjo (« romance lycéenne »)… Du coup, je me demande comment a marché Yukito d’Akiko Monden (Panini), avec un dessin « typé shôjo » mais une histoire style policier/thriller.

      Sinon, perso, le terme « genre » pour désigner « shôjo/shônen/seinen/etc », ça ne me dérange pas, c’est même un terme couramment usité dans ce but en France.

  8. Je me situe nul part et partout.
    Je lis une oeuvre pour ses qualités ou le plaisir qu’elle me procure.
    J’ai 38 ans, je me souviens de la première diffusion de Dragon ball, des Chevalier du Zodiac, ou Bioman; je me souviens aussi de Sprectroman et X-Or. Je me souviens de la première fois que j’ai acheté un manga traduit en français, une offre promotionnelle dans un kiosk, les deux premiers tomes de Dragon ball. Je me souviens de Strange, Titan et Nova.
    Je n’ai jamais était intéressé par la bande dessinée franco-belge étant jeune, ça n’existait pas mon imaginaire, ça ne faisait pas voyager mon esprit.
    Je me souviens de la première fois ou j’ai eu un manga japonais ou un comics import dans mes mains, l’émotion, la palpitation, les tremblements.

    Je lis du patrimoine parce que le passé a fourni des oeuvres magistrales et fondatrice, certain ne veulent pas lire ces mangas parce qu’ils n’accrochent pas au dessin « trop vieux », sans se demander si l’histoire est bonne ou la situer dans un contexte historique.

    Il ne lirons donc jamais Ashita No Joe, Gen D’Hiroshima, une Vie dans les Marges ou Ayako.
    Je lis beaucoup de comics et de bandes dessinées américaines d’auteurs; je ne m’arrêtes donc pas aux dessins. Mon oeil c’est habitué à la diversité des traits, la pluralités des styles. Je lis une histoire parce qu’elle agite mon imaginaire ou me chamboule. Week Moon, magnifique, mais assez manga parait-il lol.

    Je viens de terminer Devilman, j’en sors boulversé et rare sont les « jeunes » qui le lirons, « trop old school », j’attends avec impatiente chaque tome de prisonnier Riku, j’offre à tous mes amis le Vagabond de Tokyo, qui pour moi est une meilleur porte d’entrée dans l’univers Manga que Tanigushi.

    Je suis fan d’une Sacrée Mamie et de L’école Emportée en même temps.
    Je viens de commencer l’attaque des Titans et poursuis la lecture de Vagabond.
    Et je compte bien un jour lire Nana. Et je suis toujours à la recherche des deux derniers tome de Maison Ikkoku. J’achète Toutes les traductions de Maruo, ce qui ne m’empêche pas de lire en même temps les rééditions des aventures de Picsou.

      • Ahah ! On est un peu pareil. J’ai 23 ans, j’ai lu quelques BDs franco-belge dans ma prime jeunesse pour commencer (Kid Paddle, le Petit Spirou, Titeuf), puis j’ai longuement enchainé sur les mangas. Ça reste mon domaine de prédilection, mais je lis de tout depuis environ 3 ans, de la BD franco-belge d’auteur aux mangas vintage, en passant par les comics de superhéros :)

        (J’ai lu le 1er tome de Devilman et j’ai beaucoup accroché, il faut vite que je prenne la suite !)

        • Pour Devilman, a part un un tome un peu inutile, je ne sais plus trop lequel d’ailleurs, le dernier tome enfonce le clou en tapant fort. Juste dommage qu’il n’y a pas de préface ou de postface pour présenter l’ouvre et son auteur, et la situer dans l’époque.

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